Sur le concept de « Président normal »

François Hollande est Président de la République depuis un mois. Le nouveau gouvernement s’installe et le nouveau chef de l’Etat nous a dévoilé le style de cette présidence : la « normalité ».

Le concept de « Président normal » est donc le leitmotiv de François Hollande. Annoncée lors de la campagne, martelée durant le débat en de pénibles anaphores, cette présidence normale pose question. Est-elle possible ? Est-elle conforme à l’essence de la fonction présidentielle ? Pourquoi un tel choix ?  Lire la suite

Symbolique, politique…et polémiques

La vie politique est pleine de symboles. Les hommes politiques les utilisent souvent, avec calcul, finesse et parfois maladresse… Par définition, un symbole est un geste, un acte, un mot, une manifestation dans un lieu déterminé qui exprimera une signification très forte à un public « initié ». Dans la vie politique, le public initié est le peuple tout entier car ces symboles font référence à l’histoire et à la culture du pays. Il est donc possible de les comprendre.

Néanmoins, les commenter n’est pas toujours aisé, surtout quand certains évènements symboliques sont gagnés par des faits…qui créent la polémique. Polémiques non-voulues qui sont en elle-même chargées symboliquement puisque ces actes ou ces choix ont eu un écho disproportionné dans l’opinion publique.

La soirée du 6 mai est intéressante à analyser car elle regorge de symboles recherchés et non-recherchés. Lire la suite

Retours sur une campagne

A quelques jours du second tour, je profite d’une interview de Christine Boutin sur Atlantico pour faire quelques petits « retours » sur cette campagne présidentielle.

Le journaliste d’Atlantico a interrogé Madame Boutin sur un sondage qui chiffre à 27% le nombre de jeunes catholiques ayant voté pour Marine Le Pen. Il n’est pas aisé de répondre à cette question. Elle avance comme hypothèse : « De façon générale, la génération montante a une exigence sur les principes sociétaux beaucoup plus importante qu’il y a dix ou quinze ans. » et elle ajoute : « pour ces jeunes l’expression politique du premier tour et en particulier chez Nicolas Sarkozy n’a pas été perçue comme suffisamment exigeante par rapport aux principes fondamentaux véhiculés par Jean-Paul II et Benoît XVI. (…)D’autre part – et je le dis en tant que Présidente du Parti chrétien-démocrate (PCD) – je pense que c’est une incompréhension par rapport aux postures de Nicolas Sarkozy qui sont pourtant très claires. Moi-même, j’ai été candidate à l’élection présidentielle, et j’ai été très exigeante sur ces principes sociétaux. Or, Nicolas Sarkozy les a repris dans l’article publié dans le Figaro Magazine et depuis, je suis tous ces meetings et il n’y pas de place pour l’ambiguïté. Au dernier meeting tenu à Clermont-Ferrand, il a parlé de la valeur sacrée de la vie, des questions que l’on se pose autour de la mort, notamment avec l’euthanasie, et a rappelé son opposition au mariage homosexuel etc. »

Personnellement, j’adhère en grande partie à cette hypothèse. Nous autres catholiques sommes « taraudés » depuis longtemps par les questions sociétales. Nous vivons une époque ou les partis politiques n’ont pas peur de reprendre des revendications sociétales qui sont à l’encontre de l’enseignement de l’Eglise. Euthanasie, homoparentalité, mariage gay, et tout ce qui touche à l’avortement… Nous avons là différentes visions du monde et de l’Homme qui se font face : l’anthropologie chrétienne d’un coté et de l’autre, de nouvelles idées, issues d’autres familles de pensée souvent athées ou déistes…Nous pensons par exemple à certains points de vue issus des études sur le genre, le fameux gender…

Une des grandes questions politiques de notre temps est : « Quelle société voulons-nous » ? Cette question a été rappelée par l’Eglise qui est en France a travers le document de la Conférence des évêques, et le livre du Cardinal Vingt-Trois. SAJE Prod l’a d’ailleurs très bien mis en image.

Bien entendue, cette question de société ne se limite pas aux sujets que j’ai évoqués plus haut. La conférence des évêques nous le rappelle avec beaucoup de justesse en mentionnant treize points… La doctrine sociale de l’Eglise ne s’arrête donc pas aux questions touchant à la vie, à la famille et à l’éducation…Même si ces trois points sont fondamentaux et qualifiés de « non-négociables ».

Mais cette réflexion sur les tendances de vote de catholiques nous amène au sujet du climat de cette campagne électorale. Ambiance tendue, diabolisation de l’un et de l’autre candidat, affaires qui remontent, propos frisant la diffamation… Mais aussi résignation, « vote barrage », l’enthousiasme n’a guère été dans les cœurs…

Côté catholique, la blogosphère et les réseaux sociaux ont été en ébullition. Quel vote sera le plus cohérent avec ma foi ? Telle a été la question que nous nous sommes tous posés. Le groupe Votons cohérent a fixé des conditions et envisage le vote blanc si elles ne sont pas respectées. D’autres ont opté pour « le moindre mal » en choisissant Nicolas Sarkozy ou encore François Bayrou. Certains ont préféré Le Pen. Le courant des Poissons roses, désireux d’entrer au Parti Socialiste, a envoyé un message à François Hollande qui mérite d’être lu et étudié. Ce très beau texte aborde les questions sociétales avec beaucoup de vérité sans jamais tomber dans la caricature… Sébastien Gros, proche collaborateur de Manuel Valls a répondu à ce texte…négativement. Ce qui nous montre l’importance des questions sociétales au sein du PS.

A titre personnel, vous le savez, j’ai fait le choix de Nicolas Sarkozy. Quand Christine Boutin a décidé de suivre le Président-candidat,  j’ai tout de suite justifié cela en parlant du « Choix de la raison ». J’en suis toujours convaincu. Je crois que les chrétiens doivent être présents dans les grandes coalitions gouvernementales, que ce soit à droite avec le PCD ou à gauche avec le courant des Poissons roses… Bien entendu je n’oublie pas les autres partis. Il faut que nous soyons partout, mais nous serons plus efficaces dans des « grands ensembles ».

Ce que j’exprime est ma conviction… Mais je ne l’impose à personne. Les propos tenus sur mon blog n’engagent que moi. Quand je reprends les textes de l’Eglise, c’est pour tenter de nourrir un discernement…Celui-ci n’a pas été aisé et surtout, cette campagne a été gagnée par de nombreuses discussions autour de la notion de points non-négociables. J’ai donc écrit plusieurs articles sur le sujet afin d’apporter un éclairage supplémentaire.

Parfois, je l’avoue, j’ai été très sévère avec les partisans du vote blanc… Mon but n’est pas de les stigmatiser, et s’ils ont été blessés je leur demande pardon. Mais cette démarche du vote blanc pose de nombreuses questions quand à la conséquence du vote…or je reste convaincu qu’en votant pour le « moins mauvais » on peut éviter une catastrophe supplémentaire.

Au nom de mes convictions j’ai posé ce choix que j’assume pleinement. J’ai défendu cette position en conscience, et d’autres chrétiens ont défendu une autre position, également en conscience.

C’est leur droit, je le respecte.

#RadioLondres Les carottes ne sont pas cuites… Je répète… Les carottes ne sont pas cuites.

Les présidentielles de 2012, malgré leur cruel manque d’intérêt, ont vu apparaître un amusant petit jeu : #RadioLondres sur Twitter. Il s’agit d’un habile subterfuge pour contourner l’interdiction de faire campagne les 21 et 22 avril. 

Un jeu bien sympathique et intelligent puisqu’il fait référence à une belle page d’Histoire : les messages codés que la France Libre envoyait à la Résistance intérieure. Dans tous les films de guerre, qu’il s’agisse du Jour le plus long, de l’Armée des ombres ou même… Papy fait de la Résistance, nous entendons ces mystérieuses annonces : « Les sanglots longs des violons », « Jean a de grandes moustaches » ou encore… « Le cuisinier secoue les nouilles ». Le dernier n’est pas une blague… 

Mais Radio Londres ne se limitait pas à l’information codée. Il s’agissait avant tout de contrer la désinformation nazie et d’encourager la Résistance française. Une contre-propagande très moderne qui a souvent pris la forme d’opérations comme la « campagne des V »…V comme victoire ! Radio Londres appelait les français à « taguer » des V un peu partout pour harceler les Allemands. Une guerre psychologique, qui a servi à stimuler les résistants. La guerre ne se fait pas que par les armes… 

Radio Londres, connues aussi pour son « jingle » : quatre coups, comme l’ouverture de la 5eme de Beethoven. 3 coups courts et un long ce qui signifie en Morse : V. Ces hommes courageux croyaient en la victoire. 

La principale voix de Radio Londres n’était autre que Maurice Schumann. Il était le porte-parole officiel de la Résistance extérieure, ce qui lui valut le surnom de « Voix de la France Libre ». Schumann était un fervent Démocrate chrétien qui devint, à la Libération, le premier Président du MRP. Ce grand homme était aussi Gaulliste car il fit le choix de suivre le Général sous la Veme République… Il renouait ainsi avec le chef de la France Libre. 

Nous autres chrétiens en politique devrions nous inspirer de Maurice Schumann et de ses amis Démocrates chrétiens. Ils n’ont pas eu peur de se lever alors que tout semblait perdu. 1940 semblait être le triomphe du Nazisme sur la démocratie, du paganisme sur la foi chrétienne… Qui aurait imaginé que quatre ans plus tard la France serait libérée, la démocratie restaurée et la Démocratie chrétienne constituée en un très grand parti de gouvernement : le MRP. 

La nouvelle mode de Radio Londres est intéressante car c’est mieux qu’un Hashtag de plus sur Twitter. Radio Londres nous rappelle que lorsque tout le monde croyait que nous étions perdus, il y avait encore des Hommes debout qui osaient dire : « La France a perdu une bataille, mais n’a pas perdu la guerre ». 

Après ce premier tour décevant osons tweeter : #RadioLondres Les carottes ne sont pas cuites…je répête…Les carottes ne sont pas cuites. 

Elire le Président au suffrage universel direct a-t-il un sens ?

En ces temps de campagne électorale s’enfonçant chaque jour dans l’absence cruelle d’intérêt, tentons de soulever une question taboue : Elire le Président au suffrage universel direct a-t-il un sens ?

Cette question est taboue (ou presque) car elle est très rarement évoquée dans les médias. Peu de gens en parlent comme s’il s’agissait de quelque chose d’impensable. Et pourtant, je reste convaincu que cette élection pose problème… Lire la suite

Mgr Rey parle des présidentielles.

Les élections présidentielles de 2012, malgré des campagnes médiocres, ont révélé un phénomène original : le retour des catholiques dans la scène politique. Des fidèles laïcs, mais aussi le clergé, ont décidé de parler dans cette campagne électorale. Nous passons d’une discrète action « en chrétien » à un discours « en tant que chrétien ». 

Nous pouvons citer différentes interventions : le document de la Conférence des évêques de France du 3 octobre 2011, le livre « Quelle société voulons-nous ? » de Mgr Vingt-Trois, la vidéo réalisée par SAJE prod… Mais aussi en dehors du cadre ecclésial, au sein de la société civile : la Fraternité des Chrétiens Indignés. Dans les partis politiques, différentes organisations de laïcs (distinctement de l’Eglise bien sur) : les Poissons roses au PS, le PCD à droite. Enfin, hors tout cadre : le mouvement « Votons cohérent ». 

En un mot : ça bouge ! C’est très positif. Mais je souhaiterais revenir sur une déclaration : celle de Monseigneur Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon en date du 29 mars dernier.  Lire la suite

Vous avez dit non-négociables ? (3)

Etre catholique et citoyen n’est pas une sinécure. Différentes personnalités, différents mouvements se réclamant de la foi chrétienne sont actifs sur le terrain politique et ils vivent différemment la campagne présidentielle et le cas de conscience qu’elle implique. Nous voyons apparaître différentes stratégies pour tenter de mettre en œuvre la doctrine sociale de l’Eglise sans bafouer les points non-négociables… Stratégies que l’on peut toujours discuter tant du point de vue de la cohérence que du point de vue de l’efficacité.  Lire la suite

Borloo confus de la confusion

Borloo jette l’éponge ! C’est fini, il ne se présentera pas aux présidentielles. Il vient de l’annoncer au journal de Claire Chazal. Il le justifie ainsi : « Les conditions ne sont pas réunies pour fédérer les centres, et je ne veux pas ajouter de la confusion à la confusion ».


Il reconnait l’échec du rassemblement du centre. Confusion, le mot est bon pour qualifier la situation du centre aujourd’hui. Le centre est éparpillé, les leaders centristes sont très bas dans les sondages. L’ARES n’a pas créée de dynamique, le grand mouvement n’est pas au rendez-vous. Trop de divisions, trop de conflits, pas assez de cohésion, rien n’est ajusté.


Pourquoi ?


On ne peut comprendre la crise du centrisme que si on remonte un petit peu dans le temps. En 2007, François Bayrou a obtenu 18,57% des voix. Un score impressionnant gagné après des années de travail. Sa première présidentielle lui avait value 6,84%, et une subite notoriété due à une gifle providentielle…


Bayrou a réalisé ce travail de longue haleine (huit ans d’action après sa refondation de l’ancienne UDF en 1999) grâce à un positionnement original. Il s’est systématiquement démarqué du RPR, puis de l’UMP. Une démarcation forte, souvent houleuse. Il refusait tout compromis avec les gouvernements de droite. Parallèlement, il bénéficiait d’une structure partisane importante : jusqu’à trente députés, un important groupe de sénateurs (l’Union Centriste) et une dizaine de députés Européens. Sans compter un maillage important de collectivités territoriales et un réseau de militants motivés. « L’UDF de Bayrou » avait une organisation, un leader incontesté et connu, ainsi qu’un discours clair : sur l’Europe, la décentralisation, la dette (déjà et avant tout le monde…)… Ce « Centre », malgré ses faiblesses évidentes (c’était un petit parti), existait et il avait une cohérence.


L’UDF Bayrouiste a atteint son apogée en 2007, au soir du Premier tour des présidentielles. 18,57%, mais le désert est venu tout de suite après.


Faire le choix d’une opposition frontale et totale à l’UMP de Nicolas Sarkozy n’est pas sans risque. C’est même du « quitte ou double » : ou on gagne l’élection, ou on perd (même avec un résultat très élevé) et là, le naufrage est total. Les députés Bayrouistes ont été confrontés à un terrible cas de conscience lors de législatives qui ont suivi. Ou ils lâchaient Bayrou pour rejoindre la majorité présidentielle, ou ils persistaient et ils avaient un candidat UMP en face d’eux…Dilemme ! Les députés risquaient gros !


La grande majorité d’entre eux n’ont pas pris ce risque. « Ils sont allé à la soupe » a déclaré ensuite le leader déchu avec beaucoup d’amertume.


L’UDF a disparu ce jour là. Bayrou a fondé son « Mouvement Démocrate », le Modem. Les députés pro-Sarkozy, ont construit un parti autour du groupe UDF à l’Assemblée nationale et de son président Hervé Morin : le Nouveau Centre. Une organisation politique conçue en quatrième vitesse et qui, très vite, a eu comme crédo de « rassembler les centres ». Il y en avait besoin, car les anciens de l’UDF n’étaient pas tous chez Morin. Un grand nombre sont allés au Parti Radical, d’autres on fait cavalier seul et de nouvelles formations ont été créées par la suite : l’Alliance centriste de Jean Arthuis, en grande partie constituée des sénateurs centristes ; Avenir démocrate de Jean-Marie Cavada avec quelques députés européens.


Le centre était donc éclaté. Le Modem était un leader sans parti. Le Nouveau Centre et les autres formations étaient des partis sans leader.


Et les idées ? Bayrou en a. Les autres, on ne les connait pas, on n’en parle jamais et elles n’apparaissent même pas dans l’intitulé de leurs partis.


Vous savez ce qu’il pense Hervé Morin ? Personne ne le sait. C’est quoi le Nouveau Centre ? Des libéraux ? Des Démocrates chrétiens ? Des laïcs ? des Sociaux-démocrates ? Nous n’en savons rien.


Mais une seule chose est claire : c’est le « Centre-droit ». Ils ne regardent pas vers la gauche, seulement vers Sarkozy. Réalisme ? Sans doute, car la position de Bayrou est, hélas, intenable. Mais c’est la seule qui permet à un centre d’exister lors d’une présidentielle.


En regardant vers la droite, les « sarko-centristes » on fait le choix (ou subit ?) de disparaître. Ils sont devenus comme le Parti Radical de Gauche : un réseau d’élus réunis dans le satellite d’un parti de gouvernement.


Le centre va mal car il ne sait pas où il en est :



  • Satellite de l’UMP ? Donc cela implique une absence de candidats au présidentielles, ou bien un candidat de « premier tour » qui se contente de « témoigner » de sa famille de pensée.

  • Rival de l’UMP ? Cela revient à faire un Modem sans Bayrou…Mais il y a déjà Bayrou ! Malgré sa déshérence actuelle, le célèbre Pyrénéen est le seul centriste anti-sarko réellement crédible ! Comment peut-on être du Nouveau Centre ou du Parti Radical et chercher ensuite à reproduire les expériences du Modem…absurde ! Les électeurs n’y comprendraient rien !

Jean-Louis Borloo a justement commis cette dernière erreur. Membre de l’UMP et de sa composante, le Parti Radical, depuis 2002, il est l’homme du système. Il ne s’est jamais opposé à son parti. Il a été membre de différents gouvernements de Nicolas Sarkozy.


Or le voila qui part en guerre contre le Président de la République ! Et son projet de candidature visait le deuxième tour !


Borloo se prend pour Bayrou ! Absurde !


Comment peut-on rassembler des formations centristes anti-Bayrou en se prenant pour le béarnais ?


L’incohérence n’a jamais rassemblé. Comme il  le dit lui-même cela ne fait qu’ajouter de la confusion à la confusion…


Il en est confus et il renonce. C’est bien sa seule décision cohérente.

Sénat rose

Il a basculé ! Enfin, le Sénat a connu l’alternance politique ! 

Joie à gauche, panique à droite, la Haute-assemblée comprend désormais une courte (deux voix) majorité socialo-communiste (et consorts). 

Vous me connaissez, je ne suis pas un inconditionnel dela gauche. Maisce n’est pas ça qui me fera pousser des cris d’orfraies ! Bien au contraire ! Le Sénat vient de prouver qu’il était une institution démocratique ! 

C’est déjà un début car la chambre haute est sans doute l’institution la plus mal comprise de la République ? Pourquoi ? Mais parce que tout le monde lui donne une définition qui ne lui correspond pas, ou que l’on cherche à tout prix à le réformer pour tenter de l’avoir à sa botte ! 

Regardons de plus près la Haute-assemblée : Au soir de la victoire, François Hollande disait que c’était une défaite pour la droite et la première étape de la victoire de la gauche… 

Beaux propos démagogiques, si le Sénat à basculé ce n’est pas à cause de l’humeur des grands électeurs…Mais parce que les collectivités sont, petit à petit, devenus majoritairement socialistes. Les dernières régionales ont été un tsunami rose, les cantonales ont donnés au PS de nouveaux départements, et les municipales avaient vu de nombreuses communes devenir socialistes. C’est un glissement en plusieurs étapes, le Sénat étant la dernière. 

Mais le Sénat reflète des victoires électorales précédentes et liées au travail des candidats locaux…Son basculement n’a donc absolument rien à voir avec la politique nationale actuelle ! Les grands électeurs n’ont pas voté en fonction de Nicolas Sarkozy mais en fonction d’élus de terrain choisis sur des problématiques locales… 

Car c’est là le cœur du sujet : le Sénat représente les collectivités territoriales (et l’Assemblée des français établis hors de France). Mais beaucoup d’hommes politiques ne semblent pas le comprendre… 

Je me rappelle d’un débat politique, il y a de nombreuses années, où la question de la réforme du Sénat avait été avancée. Nous étions pendant les années Jospin, ce dernier souhaitait une chambre haute plus « représentative ». La gauche se plaignait d’une assemblée éternellement à droite, ne pouvant connaître l’alternance politique. C’était sans doute révélateur d’un défaitisme des socialistes devant leurs difficultés à s’implanter dans le monde rural…Et donc, dans ce débat le Sénat était présenté par la gauche comme une chambre de notables. 

Mais le plus pathétique venait d’Alain Madelin : avec moult effets de manche il avait dit « le Sénat est une chambre de sagesse ! », ce à quoi Jean-Noël Jeanneney (PRG) a répondu : « Monsieur Madelin, la sagesse est-elle de droite ». Un point pour Jeanneney ! Quelle idée de dire une telle absurdité, le Sénat serait donc une chambre de sagesse et l’Assemblée nationale une chambre de folie ? 

Evidemment, le Sénat n’est pas un « Conseil des sages » comme on pourrait le voir dans certains récits mythologiques. La Rome antique est loin de tout cela et d’ailleurs le Sénat Romain n’était guère enclin à la vertu et à la tempérance…C’était davantage une assemblée d’aristocrates dans le style de la Chambre des Lords (l’hérédité en moins). 

Et d’ailleurs qu’est ce que la  sagesse ? Est-ce une élection qui va décider si on est sage où si on l’est pas ? 

Le Sénat n’est pas un conseil de vieux notables de droite, ce n’est pas ce que dit la constitution. Carc’est là le plus important : si vous voulez connaître cette institution n’écoutez pas les hommes politiques, regardez le texte constitutionnel : « Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République.» C’est tout ! Qu’il soit de droite ou de gauche c’est l’affaire des collectivités locales ! Aux partis de travailler le terrain !

Bien sur on peut discuter de son mode de fonctionnement. Il a ses vertus : une certaine distance des tumultes de la vie politique et médiatique. Ses faiblesses : représente-t-il efficacement les collectivités ? Pas si sur… 

Je ne suis pas contre une réforme du Sénat. Pourquoi ne pas s’inspirer d’un modèle très efficace : le Bundesrat Allemand. La chambre haute d’outre Rhin, Conseil fédéral en français, représente les Länder. La représentation est parfaite parce que les conseillers fédéraux sont des membres des exécutifs des états fédérés mandatés par les gouvernements locaux. Ils ont donc un mandat impératif et sont la voix de leur Land. 

Un tel modèle ne peut-être transposable parfaitement chez nous car l’Allemagne est un Etat fédéral. Néanmoins il serait de bon ton de s’en inspirer. Pourquoi ne pas faire du Sénat un « Conseil des Territoires » ? Il comprendrait tous les Présidents de régions, les maires des cents plus grandes villes et des conseillers élus par les communes, ou intercommunalités, rurales. Chaque représentant aurait un nombre de voix plus ou moins important selonla collectivité. Ainsiles régions et les villes seraient directement consultées pour le vote dela loi. Lesélus ruraux auraient un contact direct avec leur conseillers et peut-être même le pouvoir de le révoquer si son travail parlementaire ne satisfait pas ces messieurs (et dames)…Mais là, ça impliquerait de revenir sur l’interdiction du mandat impératif qui figure dans la constitution… C’est un autre débat !

De Charybde en Scylla…

Tripoli est tombé ! La Libye est en quasi-totalité sous le contrôle du CNT (Conseil national de Transition) et le régime du colonel Kadhafi n’existe plus. Seul le « Guide de la Révolution » est en fuite et menace les insurgés d’un « bain de sang ». L’opinion publique française semble acquise aux opposants du dictateur. La barbarie de la répression du gouvernement Libyen a donné un important capital sympathie au CNT… 

Mais les insurgés sont-ils si « sympathique » que cela ? Sont-ils les démocrates que l’on nous présente ? 

De bien étranges insurgés. 

Une polémique a surgit sur ce sujet, et il est difficile de trier le bon grain de l’ivraie tant les propos sont contradictoires. 

La propagande des réseaux Kadhafistes présente le CNT comme étant des islamistes en lien avec Al-Qaeda, des terroristes réactionnaires en opposition au régime « libérateur » de la Jamahiriya arabe populaire socialiste de Libye…Déjà sur le net des informations circulent présentant le système social Libyen comme étant le meilleur au monde. Maître Ceccaldi, l’avocat français de l’Etat Libyen, montre un visage rassurant dela famille Kadhaficontre la barbarie islamiste du CNT soutenue par des démocraties occidentales ne comprenant rien au monde arabe. 

Mais ces sources sont bien entendu contestables et orientées. En revanche, de sérieux journalistes émettent des doutes quant aux insurgés. Des cadres du CNT seraient en effet de dangereux islamistes. Dans Libération du 26 août, Jean-Pierre Perrin, dresse un portrait sans équivoque du chef des insurgés à Tripoli : Abdelhakim Belhaj. 

Des informations inquiétantes, Belhaj est le nouveau gouverneur de la capitale et il est lié à Al-Qaeda. Précisément, Belhaj est issue d’une organisation Islamiste Libyenne combattant Kadhafi depuis plus de vingt ans : le Groupe islamique combattant (GIC). Cette organisation ultraradicale a été « labellisée » par Al-Qaeda et possédait au moins deux camps d’entrainement secrets en Afghanistan. Belhaj lui-même été capturé par la CIA et placé dans une de ses prisons secrètes. Il est donc considéré par les Américains comme un des cadres d’Al-Qaeda. 

Et Belhaj n’est pas le seul islamiste de la rébellion: Ismaël as-Salabi à Benghazi, Abdelhakim al-Assadi à Derna, Ali Salabi au sein même du Conseil national de Transition, toutes ces personnes ont des liens avec Al-Qaeda via le GIC. 

Le GIC tient-il les manettes du CNT ? A-t-il profité de la « révolution arabe » pour réaliser son objectif : renverser le régime et mettre en place un état islamique radical ? C’est en tout cas une menace à prendre très au sérieux. 

Un soutien trop rapide ? 

L’affaire Libyenne est complexe, comme le sont les relations internationales. Nicolas Sarkozy a voulu faire de la Libye un puissant allié de la France en Méditerranée. Riche de son pétrole, de sa force militaire, de la taille de son territoire et de son influence en Afrique, la Libye de Kadhafi était un allié de rêve pour le gouvernement français. Le Président de la République a tenté une réconciliation avec le Guide de la Révolution, d’abord en négociant la libération des infirmières Bulgares puis en tentant d’importantes ventes de matériels militaires et énergétiques. La venue de Kadhafi à Paris, accueilli en grande pompe par le Président, avec d’importants contrats à la clé (Rafales, nucléaire civil…des ventes stratégiques réservées à de précieux alliés), devait sceller cette étrange amitié. 

Que nenni ! L’orgueilleux Guide de la Révolution, qui se verrait bien guider toute l’Afrique, a refusé la main tendue du Président. Point de Rafales et de Centrales, le Colonel a envoyé un humiliant camouflet à Nicolas ! La vengeance du Maître de l’Elysée sera terrible et, Colonel ou pas, la Libye sera son satellite. 

Le rapide soutien de la France et de ses alliés occidentaux pour le CNT est sans doute expliqué par cette politique Libyenne dela France. Lessujets du Guide s’insurgent ? L’occasion est trop bonne pour renverser le dictateur et compter un état stratégique de plus parmi les amis de la France. 

Soutien rapide…trop rapide ? Nos copains du CNT sont-ils plus fréquentables que Kadhafi ? Il y a trop d’islamistes dans cette révolution…La Libye « libérée » ressemble un peu trop à l’Iran « libérée » lors de la chute du Shah. Le risque d’avoir une puissance Islamiste proche d’Al-Qaeda à quelques encablures de la Grèce et de l’Italie est réelle. La Libye serait alors passée de Charybde en Scylla. Elle aurait bazardé un tyran sanguinaire, un Néron bombardant son peuple et faisait sauter les avions de ligne de ses ennemis (n’oublions pas Lockerbie et le DC-10 d’UTA) contre des Islamistes, des réactionnaires adeptes des mêmes méthodes sauvages du Colonel. 

Espérons seulement que la Libye ne devienne pas un nouvel Afghanistan et que la France n’ait pas fait la même bêtise que les Américains dans les années 1980. En soutenant les Moudjahidines Afghans, ils avaient ouvert un boulevard à Al-Qaeda…