François

FrancescoLa surprise est totale, la joie est immense. Surprise d’un pape aussi inattendu, joie d’avoir un pape et un pape simple, humble et priant.

Tout est surprise chez lui, tout, y compris le déroulement de son élection.

On s’attendait à un conclave long, de plus de six tours : il y en a eu cinq, ce qui est plutôt court.

On s’attendait à un pape jeune, sexagénaire ou au maximum de 72 ans (le papabile Scola). Il en a 76, soit deux petites années de moins que Benoît XVI à son élection.

On ne s’attendait pas à un jésuite, il n’y a eu aucun pape ignatien et une légende tenace (mais désormais morte) disait que ce n’est pas compatible avec la papauté. Il en est un.

On ne s’attendait pas à Jorge-Mario Bergoglio car une rumeur prétendait qu’il avait refusé d’être élu en 2005. Il serait pourtant bien parti, ayant peut-être eu beaucoup de voix. Mais il aurait eu une sorte de malaise indiquant une peur de sa charge, une expression sur le visage exprimant une angoisse, un refus, qui aurait dissuadé les cardinaux de voter pour lui aux tours suivants… est-ce vrai ? Nous n’en savons rien. Mais ce qui est sur est que cette histoire l’a éloigné de beaucoup de listes de papabile… Ce qui ne l’a pas empêché d’être élu. 

Enfin, on s’attendait à un Léon XIV, Paul VII, Jean XXIV ou Benoît XVII… Nous voici avec François ! Un nouveau nom dans l’histoire des papes, un nom plein de sens car il se réfère à Saint François d’Assise. C’est une surprise et elle en dit peut-être beaucoup sur notre nouveau pape : généralement, le choix du nom est une sorte de programme ou au moins une référence particulière pour le pape. Alors dans le cas de François la référence est la plus profonde qui soit. Saint François d’Assise est peut-être le plus grand saint de l’Histoire de l’Eglise… le plus grand saint parce que le plus petit, le plus humble de tous : il a choisi de vivre dans la pauvreté. Cette référence est-elle un programme pour le pape ? Dans son cas il est impossible de répondre actuellement, mais le symbole est très puissant, très grand, très profond.

Saint François est le saint de la pauvreté. Il a choisi d’être pauvre parmi les pauvres. Il embrassa un lépreux et vécu au service des plus misérables. Il est le saint de la charité et de l’humilité. Le message est fort : François est le premier pape de l’hémisphère sud, hémisphère de la pauvreté.

Saint François est le saint de la Création: il est le saint patron des écologistes ! Quel message, en ces temps de crise écologique !

Saint François a connu une Eglise en pleine crise, gangrénée par la corruption. Or, son œuvre a profondément bouleversée l’Eglise. Par sa sainteté, sans être un réformateur, il a renouvelé l’Eglise. Une réforme par la sainteté, la charité, l’humilité…

Saint François est le saint du dialogue. Il a discuté, dans la paix et la charité, avec un sultan qui était en guerre contre les chrétiens. Sans violence, il est allé lui parler. C’est devant cet exemple que Jean-Paul II a organisé la première rencontre interreligieuse à Assise. Beau message de paix !

Enfin, saint François est le saint de la vie intérieure. Profondément mystique, il a reçu les stigmates, saint François était un homme de prière.

Avec un tel nom, nous aurions, si c’est le but du pape, un magnifique programme. C’est bien parti. Il a commencé son pontificat d’une manière très originale : il a prié, et fait prier, pour son prédécesseur. Surtout, il a demandé à ce que l’on prie pour lui. Démarche spirituelle mais aussi d’humilité : il souhaite que le peuple de Dieu demande à Dieu de le bénir. Il manifeste par là qu’il a grandement besoin de nous. Cette prière était belle : un long temps de silence et un pape incliné, le visage vers le sol.

Nous avons vu le soir du 13 mars un pape simple, priant, attachant. Quand nous lisons sa biographie, nous voyons qu’il était un prêtre puis un évêque très proche des plus pauvres, des malades, des personnes loin de la foi… Il est connu pour être un  « homme de prière, qui fuit le paysage médiatique et mène une vie sobre et évangélique. » Il a une évidente sensibilité “franciscaine”, même s’il est d’un autre ordre religieux.

François est déjà surnommé dans les réseaux sociaux « le pape de la charité ». Nous accueillons sa venue avec joie !

Au cénacle

Veni creator spiritus… En chantant l’appel à l’Esprit Saint, les cardinaux entrent dans la chapelle Sixtine pour y rester enfermés à clés, « cum clave », ce qui est le sens de « conclave ».

Au conclave, les cardinaux sont comme les apôtres enfermés dans le cénacle à Jérusalem. Les premiers disciples étaient enfermés, coupés du monde. Jésus était monté aux cieux quelques jours avant, il leur avait promis la venue de l’Esprit. Confiant dans les paroles du Seigneur, ils ont prié et ont attendu.

Le conclave est un nouveau cénacle où les cardinaux prient pour que l’Esprit Saint descende sur eux. Le conclave est le lieu du mystère de l’Eglise : divine et humaine à la fois. L’Esprit Saint vient sur des hommes libres. Il participe à l’élection sans s’imposer. L’élection du pape est le fait d’une décision toute humaine : sur des critères terrestres, les cardinaux désigneront le successeur de Pierre. Ils choisiront le pape selon son profil théologique, sa personnalité, son âge, sa santé, les langues qu’il connaît etc. Mais ils demanderont à l’Esprit Saint de féconder cette réflexion, de leur inspirer la bonne décision, le bon critère de vote. C’est une élection à la fois humaine et divine, tout comme l’est l’Eglise : institution humaine et corps mystique du Christ. Et comme l’est Jésus : vrai homme et vrai Dieu. Comme l’est l’eucharistie : pain fabriqué par des hommes et corps du Christ. Comme l’est la Bible : texte écrit par des hommes et véritable parole de Dieu.

Les portes de la chapelle Sixtine sont maintenant fermées. Les cardinaux sont invisibles, coupés du monde. L’Eglise retient son souffle pour que l’Esprit souffle. Nous nous tenons derrière la porte pour les porter dans la prière.

Tous les jours de ce conclave nous allons attendre, fébrilement ou pas, la fumée blanche.

Tous les jours de ce conclave nous pourrons participer à cet évènement en priant pour un cardinal en particulier ou pour tous les électeurs.

Tous les jours de ce conclave, nous ferons un acte de foi et d’espérance : le prochain pape sera le nôtre, le bon, la Pierre sur laquelle repose l’Eglise.

Veni creator spiritus

PorteClose

La renonciation de Benoît

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Benoît XVI a abdiqué. La nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Personne ne s’y attendait. Même si un tel acte est canoniquement possible, cela ne s’était jamais vu depuis le Moyen-âge.

Benoît XVI a brisé un tabou, celui du Pape-Roi qui règne jusqu’à sa mort comme tous les monarques de la Terre. Ce tabou est comparable à celui qu’ont pulvérisé les cardinaux en 1978 quand ils ont élu un pape non-italien, là aussi, une première depuis le Moyen-âge. Eh oui, les tabous tombent car l’Eglise change, pour toujours rester fidèle à elle-même, à sa vocation d’universalité. Elle change car elle n’est plus dirigée par un Prince Italien qui gouverne un petit Etat de la péninsule italienne (un quart de l’Italie actuelle). Depuis 1929 et les accords du Latran, les Etats pontificaux ont été réduit à 44 hectares : un Etat sans nation, un pur symbole qui garanti au Pape une indépendance politique. Il n’est plus un Prince d’Italie, sa fonction est redevenue spirituelle avant tout. Fini le Prince italien, il peut donc être de n’importe quelle nationalité. Fini le Pape-Roi, il peut donc prendre sa retraite comme n’importe quel évêque. Lors de son élection, Benoît XVI a d’ailleurs acté cette évolution par un petit geste presque passé inaperçu : sur son blason, il n’a pas mis de tiare, symbole du pouvoir temporel du Pape, mais il l’a remplacé par une mitre et un pallium. Ces deux symboles sont des attributs spirituels de la papauté.

Le conservateur Ratzinger n’est pas aussi réac que la presse le présente, bien au contraire ! Il a compris son époque, la place de l’Eglise dans le monde actuel, le rôle et le sens de la papauté aujourd’hui.

Tout son pontificat a été un dialogue avec le monde d’aujourd’hui. Tout son pontificat a été un message adressé à un monde en pleine mutation. Benoît XVI a parlé à un occident sans Dieu, à une Afrique mystique, et à un monde devenu village.

Il a appelé au développement intégral de l’Homme, dénoncé l’ultralibéralisme, appelé au respect de la création. Il a défendu la notion juridique de droit naturel devant un Occident acquis au positivisme juridique. Il a maintes fois dénoncé le relativisme dans un nouveau monde soumis au « dogme de l’antidogme »1. Son œuvre est dense, puissante et surtout inclassable : ni conservateur, ni progressiste, ou peut-être les deux à la fois, Benoît XVI est résolument catholique.

Benoît XVI a su parler au monde durant un pontificat marqué par de nombreuses tempêtes. Affaire Williamson, polémique de Ratisbonne, Vatileaks … Benoît XVI aura été un des papes les plus conspués et toujours très injustement. À la fois théologien génial, philosophe exceptionnel, il a su prendre des décisions courageuses : politique très sévère contre les prêtres pédophiles, reprise en main de la Légion du Christ, réforme des finances du Vatican… Sa fermeté exemplaire a marqué un tournant dans la gestion des affaires internes de l’Eglise. Pour cela, il a fait preuve de beaucoup de courage et d’une immense liberté. Son dernier geste illustre à la perfection ce courage et cette liberté.

Benoît XVI, malgré l’image réactionnaire qui lui a été affublée, est un pape d’aujourd’hui. Son message restera. Son humilité et son courage feront dates. L’œuvre de « l’humble ouvrier de la vigne du Seigneur » portera de nombreux fruits.

1 La formule est d’Alain Finkielkraut

L’écologie pour tous

Un des slogans de la Manif pour TousLe grand mouvement de la Manif pour tous serait-il le point de départ d’une révolution écologique ? Nous pouvons nous poser cette question car Tugdual Derville, un des membres du collectif Manif pour tous, a déclaré :

« Un mouvement “d’écologie humaine” est en train de se lever. » Et il précise : « Nous ne nous battons pas pour notre intérêt propre, mais pour défendre un bien précieux pour tous que nous n’aurions jamais imaginé menacé. Ce bien – le fait que tout être humain est issu de la complémentarité d’un homme et d’une femme – est une réalité qui vient de la nuit des temps. Propre à l’humanité, il est à l’origine de chacun d’entre nous. Or une loi prétend effacer cette réalité. (…) Je vois des similitudes entre ce mouvement et la naissance de l’écologie politique il y a quelques décennies. Au départ, ce fut la rencontre d’associations de défense de milieux naturels menacés et d’experts visionnaires faisant émerger une question que l’on ne pensait pas avoir à se poser un jour : quelle Terre allons-nous laisser en héritage aux générations futures ? À l’époque, beaucoup de chrétiens[1] faisaient d’ailleurs partie de l’aventure. Il est stupéfiant que ceux qui, actuellement, prétendent incarner l’écologie aient oublié ce qui fait l’essence de l’humanité et soient aux antipodes de notre préoccupation. Pourquoi passer sous silence le repère le plus naturel qui soit : que tout enfant vient d’un homme et d’une femme ? La protection des plus vulnérables devrait s’effacer devant la toute-puissance ! »

Tugdual Derville s’interroge devant le positionnement d’Europe-Ecologie-les-Verts (EELV) : comment peut-on défendre, en même temps, l’écologie et un mariage « pour tous » qui permet de créer des filiations fictives ? Pire : EELV défend la procréation médicalement assistée (PMA) qui « fabrique » des enfants coupés de leurs filiations à grands renforts de prouesses biotechnologiques… Les Verts seraient-ils en pleine contradiction ? Lire la suite

Inquisitio : un profond malaise

La nouvelle série de l’été de France 2, Inquisitio, suscite un grand malaise. J’ai pu la voir en avant première, et cela a confirmé le sentiment que j’ai eu à la vision des différents teasers et synopsis de ce programme. Sentiment que j’ai évoqué dans un article précédent. 

Le problème posé par cette « fiction » est profond. Elle nous présente une Eglise médiévale (1378) sombre, violente, perverse avec un cortège de prélats libidineux, corrompus, et une Sainte Inquisition cruelle, tuant et torturant systématiquement.

Le tableau est atroce. Il laisse paraître une Eglise où il n’y aurait rien de bon. L’Inquisition fait irrémédiablement penser à la Gestapo par l’antisémitisme de ses hommes, et la terreur qu’elle fait régner dans la société… et surtout dans les quartiers juifs. Quant au port de la rouelle par les Israélites, il évoque l’étoile jaune. Bref : nous avons là une atmosphère particulièrement anachronique où les chrétiens remplacent les nazis.

Nous n’avons pas le beau rôle…ça fait mal. Et la blessure est d’autant plus grave que l’Histoire n’est pas respectée.

Soyons justes : Ne justifions pas l’injustifiable

Bien entendu je ne vais pas justifier l’Inquisition, ni la torture, ni les bûchers et autres mises à mort. Une exécution est toujours une exécution de trop. Une torture est toujours quelque chose d’abominable en contradiction formelle avec l’Evangile. Pour le jubilé de l’an 2000, le Pape Jean-Paul II a mis en place la commission Mémoire et Réconciliation afin de procéder à une étude historique approfondie des épisodes les plus douloureux de notre histoire. Le Pape tenait à ce que toute la lumière soit faite sur nos heures les plus sombres…afin de pouvoir demander pardon à Dieu durant la cérémonie jubilaire du 12 mars 2000. Jean-Paul II appelait cela la « purification de la mémoire » afin que de telles horreurs ne se reproduisent plus. L’Inquisition, et l’antisémitisme chrétien ont donc été étudiés par cette commission. Les faits ont été reconnus et le pardon a été demandé.

Mais la vérité historique se doit d’être respectée. Déformer l’Histoire dans un sens qui diabolise les catholiques n’est pas correct et offensant : or Inquisitio collectionne les non-sens. Non-sens qui vont de détails comme des voyages de dominicains à cheval (ils se déplaçaient à pied par pauvreté), à des points essentiels comme des scènes de débauche de religieux (un pape partouzeur…), des exécutions systématiques, des tortures à répétition et surtout : de la diffamation autour de personnages ayant réellement existés. C’est sur ce dernier point que je compte insister.

Sainte Catherine de Sienne diffamée

Un des principaux personnages d’Inquisitio est Sainte Catherine de Sienne. Interprétée par Anne Brochet (la Roxane du Cyrano joué avec Gérard Depardieu), elle est présentée comme une fanatique, conspiratrice aux ordres du Pape de Rome Urbain VI pour combattre l’antipape d’Avignon Clément VII. Nous la voyons s’empaler les mains en public pour faire un miracle (qui semble être un tour de passe-passe à l’aide de potions) et surtout, elle est à l’origine d’horribles meurtres visant à inoculer la peste dans la population d’Avignon ! Eh oui vous lisez bien : Sainte Catherine de Sienne tente par tous les moyens d’inoculer la peste dans la population avignonnaise ! Cela dans le but de vaincre Clément VII (sans doute en le tuant par le fléau). Sainte Catherine serait donc la première terroriste de l’Histoire à utiliser des armes de destruction massive ! Bactériologiques en l’occurrence… Tout cela nous est représenté à renfort d’ambiances grand-guignolesques style « Fort Boyard », de personnages masqués façon Tim Burton, et de dialogues épouvantables comme « J’ai fait alliance avec le démon pour la gloire de Dieu ».

Evidemment tout cela est faux. Rien n’atteste que Sainte Catherine ait fait et dit de telles choses. De plus, en 1378 elle n’était pas à Avignon…C’est donc une pure invention.

Mais cette invention est grave car elle porte atteinte à l’image d’une sainte vénérée par des millions de catholiques. Sainte Catherine de Sienne est docteur de l’Eglise et co-patronne de l’Europe, la faire passer pour une fanatique comparable à Ben Laden est inacceptable. C’est non-seulement faux mais profondément malhonnête.

Je vous invite vraiment à découvrir Sainte Catherine de Sienne. Elle appelait au renouveau de l’Eglise, à son unité, ses Dialogues sont d’une très grande profondeur…nous sommes très loin du fanatisme, et son message est encore d’actualité. De plus, elle présente à la perfection le rôle essentiel qu’avaient, et ont toujours, les femmes dans l’Eglise. Elle était écoutée du Pape, des prélats et des princes…qui a dit que l’Eglise était misogyne ? L’Inquisition pour les nuls nous donne des informations intéressantes sur Sainte Catherine.

Et si on s’informait ?

De tels propos ne peuvent être diffusés à un très large public sans qu’il n’y ait aucune réaction. Il est bon que des gens se lèvent et disent « non » à ces mensonges. Et ce n’est pas seulement une affaire de chrétiens. L’Histoire appartient à tout le monde, et toute personne soucieuse de vérité historique peut être offusquée par ce genre d’émission. Mais j’ai l’intime conviction que cela passe principalement par l’information. N’ayons pas peur de nous documenter, de découvrir cette époque passionnante, et terrible, qu’était le XIVeme siècle. Faisons circuler des sites Internet qui diffusent des textes d’historiens sur ces évènements. Un excellent site vient d’être mis en place : l’Inquisition pour les nuls. Toutes les réponses aux questions posées par la série sont dessus.

L’historien Didier-le-Fur a aussi écrit un très bon livre qui répond point par point à Inquisitio : L’Inquisition en France. S’informer, répandre au maximum cette information, voici la meilleure réponse que nous pouvons faire à Inquisitio…et bien entendu dans un esprit de dialogue.

Nanar

Enfin, j’aimerais conclure avec une réalité à reconnaître : Inquisitio est un navet. Mal ficelé, ennuyeux à mourir, dénué d’humour (sauf par un involontaire second degré), violent, cruel, cette série a tout du feuilleton commercial mal fagoté. Les dialogues ridicules entreront certainement dans les annales et feront les joies de sites comme « Escale à Nanarland ». Et oui, cette saga de l’été est un ratage…

Je n’en dis pas plus, regardez plutôt la « véritable » bande annonce d’Inquisitio :

Mgr Rey parle des présidentielles.

Les élections présidentielles de 2012, malgré des campagnes médiocres, ont révélé un phénomène original : le retour des catholiques dans la scène politique. Des fidèles laïcs, mais aussi le clergé, ont décidé de parler dans cette campagne électorale. Nous passons d’une discrète action « en chrétien » à un discours « en tant que chrétien ». 

Nous pouvons citer différentes interventions : le document de la Conférence des évêques de France du 3 octobre 2011, le livre « Quelle société voulons-nous ? » de Mgr Vingt-Trois, la vidéo réalisée par SAJE prod… Mais aussi en dehors du cadre ecclésial, au sein de la société civile : la Fraternité des Chrétiens Indignés. Dans les partis politiques, différentes organisations de laïcs (distinctement de l’Eglise bien sur) : les Poissons roses au PS, le PCD à droite. Enfin, hors tout cadre : le mouvement « Votons cohérent ». 

En un mot : ça bouge ! C’est très positif. Mais je souhaiterais revenir sur une déclaration : celle de Monseigneur Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon en date du 29 mars dernier.  Lire la suite

Le manifeste des Chrétiens Indignés : à diffuser très largement !

Les Chrétiens Indignés de France communiquent ! Leur manifeste est reproduit ci-dessous. J’adhère entièrement à leur démarche. Faisons circuler ce document important.


Petit groupe de lecteurs du blog de Patrice de Plunkett (http://plunkett.hautetfort.com), venus d’horizons différents, d’âges, de situations familiale et professionnelle très variées, nous avons en commun notre foi, notre appartenance à l’Eglise catholique et nos convictions sociales et politiques. Profondément interpelés par la crise qui traverse notre époque, nous nous interrogeons sur nos responsabilités et celle de notre entourage chrétien. 


Notre premier acte d’engagement consiste à prendre la parole.  


Nous associons notre voix à celle de tous ceux qui dénoncent depuis si longtemps le système économique néo-libéral qui régit économies et sociétés depuis près de trente ans. Disciples du Christ, nous ne craignons pas d’exprimer notre révolte contre un ordre profondément anti-évangélique dont les conséquences désastreuses ne peuvent plus être contestées. Ainsi :


Comme catholiques nourris depuis plus d’un siècle par une doctrine sociale généreuse, ambitieuse et crédible, pouvons-nous encore défendre un système économique qui ignore, méprise ou nie les valeurs humaines essentielles: la protection des plus faibles, la solidarité, les relations désintéressées, le don gratuit, le sens du renoncement, le dévouement à la collectivité ? Toutes ces valeurs ne sont-elles pas au cœur de l’exigence évangélique ?


Destinataires d’une création extraordinairement féconde, dont nous sommes regardés et désignés par notre Dieu comme les intendants prudents, pouvons-nous laisser se poursuivre les atteintes irréversibles dont elle fait l’objet sans protester avec indignation, et sans nous-mêmes montrer l’exemple par un comportement irréprochable ?


Héritiers d’un humanisme bimillénaire qui enracine toute notre tradition sociale et politique dans une très haute conception de la personne humaine, pouvons-nous ignorer plus longtemps que le  matérialisme assumé et agressif sous le régime duquel nous vivons renvoie de notre humanité une image déformée et enlaidie ? 


L’appartenance au Christ est une force totale qui ne laisse de côté aucun des aspects de la vie des hommes. Or il existe un vaste champ de transformation sociale largement ignoré des chrétiens, qui trop souvent ignorent que les actuels enjeux politiques vont bien au-delà des nécessaires questions éthiques (défense de la vie…). Oserons-nous reconnaître que le constat des injustices criantes  qui affectent les populations fragiles de notre terre, et les transgressions contre l’homme et la nature dont nous sommes chaque jour les témoins, sont un appel à transformer les structures mêmes de nos sociétés, et pas simplement à en corriger les effets désastreux ? Le paradigme libéral non seulement ne marche pas, mais il est indigne de l’homme. C’est notre responsabilité de chrétiens que d’affirmer cela, et de proposer un autre modèle conforme aux exigences de l’Evangile. 


Membres du groupe, nous nous regardons comme les premiers destinataires de cet appel, car le sentiment d’urgence qui nous saisit se heurte d’abord aux limites et aux contradictions de nos propres existences et à la modestie de nos moyens. Nous brûlons simplement de voir les chrétiens se mobiliser sur ces thèmes, et devenir une force généreuse de changement social. 


Que pouvons-nous faire ? 


1-    D’abord, tous nous convertir, et regarder enfin le monde qui nous entoure avec lucidité. Il nous faut faire le constat courageux que nous ne pouvons plus continuer à vivre comme nous le faisons, ni ignorer que le paradigme libéral sur lequel nos vies sont construites n’est pas durable et conduit l’humanité à sa perte. Il nous faut bien comprendre que tout se tient, et qu’il n’y a qu’une seule et même crise : elle est à la fois financière, économique, écologique, politique, morale et spirituelle. C’est la crise d’une humanité qui a perdu son chemin et simplement compromis ses chances de survie en ayant oublié les raisons de vivre. 


2-    Cette conversion entamée, il nous faut changer notre style de vie quotidienne, en vivant personnellement et en promouvant autour de nous une écologie complète et pleinement humaine. Nous pensons en effet que refonder notre société passe d’abord par l’adoption d’un mode de vie simple et respectueux de notre environnement, social et naturel. Changer de vie, c’est renoncer avec fermeté aux logiques de « croissance », d’accaparement et de consommation sans discernement qui caractérisent le mode de vie occidental et choisir, au nom de l’idéal de vie chrétien, de mener une existence sobre et joyeuse centrée sur l’essentiel. 


C’est ainsi que nous, membres de ce groupe, avons entamé dans notre vie personnelle et familiale ce changement nécessaire. Et c’est sans arrogance, mais déterminés à faire réfléchir et à mobiliser notre entourage, que nous vous en proposons le témoignage. Dans l’annexe à ce document, chacun des membres du groupe a accepté de résumer ce qu’il a changé dans sa vie, et pourquoi il l’a fait. Ces témoignages s’adressent à tous ceux qui se demandent quoi faire. En vous partageant ces facettes renouvelées de nos vies quotidiennes, nous affirmons que l’enjeu spirituel de nos existences ne peut être séparé de son enjeu social et collectif : être chrétien, c’est vivre différemment. Et au-delà des enjeux personnels et familiaux, changer nos vies maintenant, c’est déjà rendre possible la coexistence fraternelle des peuples de cette terre, tâche à laquelle nous chrétiens devons hardiment participer en luttant contre ce qui la menace et en défendant ce qui la rend possible.   


3-    Enfin à une plus large échelle, nous devons activement participer à promouvoir tout ce qui autour de nous oriente les hommes vers un avenir nouveau ! Disons-le pêle-mêle : des entreprises à taille humaine soucieuses de leur enracinement dans la société ; des échanges économiques libres mais subordonnés à des règles de solidarité impératives et débarrassés des artifices de la finance dématérialisée ; un mode de vie sobre, proche de la nature, de ses rythmes et des limites qu’elle nous impose, et qui, sans avoir peur de nous répéter, tourne définitivement le dos au modèle consumériste ; toutes les initiatives politiques qui tendent à faire vivre une conception renouvelée du bien commun, entendu dans une acception universelle, capable d’embrasser le sort des peuples proches ou lointains qui subiront directement ou indirectement les choix que nous faisons pour nous-mêmes ; etc. L’Eglise catholique nous adresse depuis quelques années de messages de plus en plus pressants qui sont autant d’appels à nous engager. Citons :



  • La Conférence des évêques de France, dans un document[1] écrit début 2011 : « L’économie libérale dérégulée nous offre comme seul horizon la consommation de toujours plus de biens matériels. La vacuité et la dangerosité d’un tel projet de société sont évidentes : il épuise la planète, réduit l’homme à un rôle de producteur/consommateur et mine la confiance indispensable à toute vie commune. […] Lorsque notre bonheur dépend uniquement des biens que nous possédons, alors les pauvres et les migrants deviennent des menaces et les mesures de sécurité supplantent les mesures de solidarité. »

  • Le Conseil Pontifical « Justice et Paix », qui écrivait[2] en octobre 2011 : « En libérant son imagination, l’homme libère son existence. Il est possible, grâce à un engagement d’imagination communautaire[3], de transformer non seulement les institutions, mais aussi les styles de vie, et de susciter un avenir meilleur pour tous les peuples. »

  • Benoît XVI lui-même, par exemple dans son message pour la Paix le 1er janvier 2010 : « Il est donc sage d’opérer une révision profonde et perspicace   du modèle de développement […]. L’état de santé écologique de la planète l’exige; la crise culturelle et morale de l’homme le requiert aussi et plus encore, crise dont les symptômes sont évidents depuis un certain temps partout dans le monde. […] Les situations de crise qu’elle traverse actuellement […] obligent à repenser le cheminement commun des hommes. Elles contraignent, en particulier, à adopter une manière de vivre basée sur la sobriété et la solidarité, avec de nouvelles règles et des formes d’engagement s’appuyant avec confiance et avec courage sur les expériences positives faites et rejetant avec décision celles qui sont négatives. »[4] 

Ainsi nous pourrons ouvrir en grand nos fenêtres sur le monde avec confiance et générosité, entendre l’appel à la justice qui résonne avec retentissement d’un bout à l’autre de notre terre, et laisser agir en nous l’Esprit de don qui attend notre engagement pour se manifester. 


Notre petit groupe est encore en construction, et nous ne savons pas encore quelle direction nous prendrons. Si vous souhaiter vous joindre à nous, ou simplement vous tenir au courant de ce que nous devenons, faites-le savoir en nous écrivant sur : chretiensindignonsnous@yahoo.fr 





[1] Grandir dans la crise, document de la Conférence des évêques de France – Conseil Famille et Société,  Paris, Bayard Cerf Fleurus/Mame, 2011



[2] Pour une réforme du système financier et monétaire international dans la perspective d’une autorité publique à compétence universelle, Conseil pontifical « Justice et Paix », Cité du Vatican, 2011



[3] En italique dans le texte



[4] Si tu veux la paix, protège la création, Message de sa Sainteté Benoît XVI pour la célébration de la journée mondiale de la paix, 1er janvier 2010

Troy, Barack et Benoît

Il est mort. Troy Davis a été exécuté. Malgré les doutes, malgré les rétractations de sept témoins sur neuf, Troy Davis a été mis à mort par injection létale. 


Troy Davis, un américain noir de Géorgie condamné pour le meurtre d’un policier a pourtant crié son innocence jusqu’au bout. Mais le gouverneur de Géorgie a refusé de le gracier. 


Cette exécution a choqué le monde entier. Trop de doutes sur sa culpabilité, l’Amérique prenait le risque de tuer un innocent. 


Devant l’attente de Troy Davis dans le couloir de la mort, tout le monde attendait la réaction de Barack Obama. Lui, le Président noir que l’on présentait comme la réalisation du rêve de Martin Luther King allait-il réagir devant cette terrifiante injustice ? 


Il n’en a rien été. Le locataire dela Maison Blanches’est contenté de dire que cette question relevait de la compétence du gouverneur de Géorgie… Ce n’est donc pas son affaire, il s’en lave les mains… 


Ponce Pilate n’aurait pas fait mieux… Bien sur, d’un point de vue juridique, cela n’est pas de la compétence du Président des Etats-Unis. Mais « quid » de sa conscience ? Ne pouvait-il pas tenter quelque chose, un mot, un message au gouverneur de Géorgie ? Non, rien, juste un froid communiqué de son cabinet où il se drape derrière le droit constitutionnel. 


Je n’ai jamais été un laudateur de Barack Obama. Quand il a été élu, l’Obamania qui a déferlé en France avait tout d’une stupidité. Ce n’est pas parce qu’il est le premier Président de couleur qu’il sera forcément un saint. Lui donner le Prix Nobel de la Paix avant qu’il ait donné des résultats a aussi été une sottise… 


Si l’on excepte sa réforme de l’Assurance maladie, son bilan n’est guère brillant. Et la mort d’Oussama Ben Laden n’est pas un évènement glorieux : tuer quelqu’un sans jugement, sans aucune traces et en faisant disparaître le corps n’est pas digne du « leader de la démocratie ». Le monde a perdu l’occasion d’avoir le procès du plus grand crime contre l’humanité du début du XXIème siècle. Les Etats-Unis n’ont pas pu démontrer qu’ils étaient supérieurs aux terroristes…Non, parce qu’ils ont préféré la méthode du règlement de compte à celle du procès équitable, la soif de vengeance au devoir de justice. 


C’est répugnant. Obama n’est pas un grand chef d’état. Je préfère mille fois son adversaire John McCain qui s’était élevé au Sénat contre l’usage de la torture… 


La peine de mort est une horreur. Tuer quelqu’un froidement au nom de la loi est une abomination. Albert Camus disait : « En tant que meurtre prémédité, la peine de mort est le crime le plus scandaleux qui soit ». C’est un meurtre d’état, injustifié car un criminel peut-être gardé en prison et mis hors d’état de nuire sans avoir besoin de le tuer. 


On ne répare pas un meurtre par un autre meurtre : justifier cela est de la barbarie, un appétit de sang masqué derrière d’hypocrites discours sur la justice. 


Le Vatican a compté parmi les opposants à cette exécution. « Nous ne pouvons décider si la peine est méritée ou non, mais nous pouvons simplement lancer un appel : nous souhaitons que le système pénitentiaire puisse faire tout son possible pour épargner la vie et viser à la conversion et à la transformation de la personne », a dit le cardinal ghanéen Peter Turkson, président du conseil pontifical Justice et Paix sur Radio Vatican. Le nonce apostolique aux Etats-Unis est intervenu directement auprès des autorités en faveur de Davis. Cette action s’est faite au nom de Benoît XVI lui-même. 


Cela nous rappelle que Jean-Paul II, lors d’un voyage aux USA, avait qualifié la peine de mort de « cruelle et inutile »


Mais voila, malgré ces propos clairs du Saint Siège, des individus se disant catholiques défendent bec et ongles la peine capitale. Un funeste blog, extrêmement visité, à salué l’exécution de Troy Davis. Ils ont défendu sa culpabilité et justifié sa mise à mort en détournant le contenu du catéchisme de l’Eglise catholique…tout en omettant de signaler les protestations du Vatican. 


Comme mon ami Patrice de Plunkett je ne donnerai pas le nom de ce site. Vous le reconnaitrez certainement. Mais une telle malhonnêteté intellectuelle doit être dénoncée. Elle fait un tort monstrueux à l’Eglise. 


Un innocent exécuté, un homme d’état se lavant les mains, des pseudo-croyants se réjouissant du meurtre…ça ne vous rappelle rien ?