La renonciation de Benoît

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Benoît XVI a abdiqué. La nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Personne ne s’y attendait. Même si un tel acte est canoniquement possible, cela ne s’était jamais vu depuis le Moyen-âge.

Benoît XVI a brisé un tabou, celui du Pape-Roi qui règne jusqu’à sa mort comme tous les monarques de la Terre. Ce tabou est comparable à celui qu’ont pulvérisé les cardinaux en 1978 quand ils ont élu un pape non-italien, là aussi, une première depuis le Moyen-âge. Eh oui, les tabous tombent car l’Eglise change, pour toujours rester fidèle à elle-même, à sa vocation d’universalité. Elle change car elle n’est plus dirigée par un Prince Italien qui gouverne un petit Etat de la péninsule italienne (un quart de l’Italie actuelle). Depuis 1929 et les accords du Latran, les Etats pontificaux ont été réduit à 44 hectares : un Etat sans nation, un pur symbole qui garanti au Pape une indépendance politique. Il n’est plus un Prince d’Italie, sa fonction est redevenue spirituelle avant tout. Fini le Prince italien, il peut donc être de n’importe quelle nationalité. Fini le Pape-Roi, il peut donc prendre sa retraite comme n’importe quel évêque. Lors de son élection, Benoît XVI a d’ailleurs acté cette évolution par un petit geste presque passé inaperçu : sur son blason, il n’a pas mis de tiare, symbole du pouvoir temporel du Pape, mais il l’a remplacé par une mitre et un pallium. Ces deux symboles sont des attributs spirituels de la papauté.

Le conservateur Ratzinger n’est pas aussi réac que la presse le présente, bien au contraire ! Il a compris son époque, la place de l’Eglise dans le monde actuel, le rôle et le sens de la papauté aujourd’hui.

Tout son pontificat a été un dialogue avec le monde d’aujourd’hui. Tout son pontificat a été un message adressé à un monde en pleine mutation. Benoît XVI a parlé à un occident sans Dieu, à une Afrique mystique, et à un monde devenu village.

Il a appelé au développement intégral de l’Homme, dénoncé l’ultralibéralisme, appelé au respect de la création. Il a défendu la notion juridique de droit naturel devant un Occident acquis au positivisme juridique. Il a maintes fois dénoncé le relativisme dans un nouveau monde soumis au « dogme de l’antidogme »1. Son œuvre est dense, puissante et surtout inclassable : ni conservateur, ni progressiste, ou peut-être les deux à la fois, Benoît XVI est résolument catholique.

Benoît XVI a su parler au monde durant un pontificat marqué par de nombreuses tempêtes. Affaire Williamson, polémique de Ratisbonne, Vatileaks … Benoît XVI aura été un des papes les plus conspués et toujours très injustement. À la fois théologien génial, philosophe exceptionnel, il a su prendre des décisions courageuses : politique très sévère contre les prêtres pédophiles, reprise en main de la Légion du Christ, réforme des finances du Vatican… Sa fermeté exemplaire a marqué un tournant dans la gestion des affaires internes de l’Eglise. Pour cela, il a fait preuve de beaucoup de courage et d’une immense liberté. Son dernier geste illustre à la perfection ce courage et cette liberté.

Benoît XVI, malgré l’image réactionnaire qui lui a été affublée, est un pape d’aujourd’hui. Son message restera. Son humilité et son courage feront dates. L’œuvre de « l’humble ouvrier de la vigne du Seigneur » portera de nombreux fruits.

1 La formule est d’Alain Finkielkraut

L’écologie est un humanisme

Le changement climatique est un sujet polémique qui ne manque jamais de déchaîner les passions. La raison en est simple : les enjeux sont colossaux et l’Homme est pointé du doigt comme étant le responsable d’une catastrophe annoncée depuis longtemps… 

Tibor Skardannelli a écrit, sur Tak.fr, un intéressant article sur le sujet : Climat, le soleil fait tâche. Excellent papier… avec lequel j’ai quelques divergences qu’il me pardonnera j’en suis convaincu.  Lire la suite

Violence télégénique

Lundi soir je regardais France 2 juste avant le journal télévisé. Je suis rarement devant mon téléviseur et donc, pour la première fois, j’ai vu une bande-annonce qui est diffusée depuis quelques temps en heure de grande écoute : celle du prochain feuilleton de l’été de France Télévision, « Inquisitio ». 

Déferlement de violence, univers médiéval macabre et crépusculaire, dominicain borgne disant froidement « Démembre-le » à ses sbires qui tiennent ligoté un pauvre malheureux… En quelques minutes, le téléspectateur moyen a été abreuvé de violence atroce exposée avec complaisance…

Une violence diffusée en prime-time dans une bande-annonce. Les choses sont claires : on en appelle au goût du spectateur pour la cruauté en exhibant une barbarie sans fard faite de supplices et de meurtres…

Evidemment, le raccourci est encore fait entre le catholicisme et l’Inquisition…Cela me peine, mais je n’évoquerais pas ce sujet car je n’ai pas encore vu la série, je m’arrête donc à son « teaser ».

Inquisitio n’est pas un phénomène unique, la violence télévisuelle, même si elle n’est pas nouvelle, est en nette recrudescence. Les célèbres séries américaines Rome, The Tudors, Borgia, Spartacus Blood and sand sont des festivals de violence gratuite. Tout y passe : crucifixions, écartèlements, supplices de l’huile bouillante… Mais aussi violence sexuelle, Rome abonde de scènes de viols en tout genre. Malgré les qualités de ces séries (j’ai beaucoup aimé la figure de Thomas More dans The Tudors), certains passages sont difficilement soutenables car crus et filmés avec complaisance…une complaisance assumée si l’on en croit la jaquette des DVD de la saison 2 des Tudors : « Une saison avec encore plus de violence et de sexe » annonce le diffuseur fièrement par-dessus une photo où Anne Boleyn est dans une position…pas très protestante.

Et ça marche ! Ces séries violentes ont du succès. Si France 2 se lance dans ce genre de programme, c’est justement parce que le « gore » est une recette efficace pour avoir de l’audience…et dès le teaser on envoie ce message au public : ça va saigner ! Une garantie de pic d’audimat…

Mais pourquoi tant d’horreurs ont tant de succès ? Nous pouvons nous poser cette question car la fascination pour la violence ne s’arrête pas à la télévision, mais elle touche aussi le réel. La vidéo où Luka Rocco Magnotta découpe sa victime a fait le buzz sur Internet. Ce personnage atroce semble fasciner…tout comme la plupart des serial killer… Et les images de son forfait semblent attirer…ce qui n’est pas nouveau. Les combats de gladiateurs attiraient un vaste public sous l’Empire Romain. Les exécutions ont de tout temps eu lieu sous les cris de haine d’une foule en délire.

L’exemple le plus horrible a été celui de l’écartèlement d’un valet de Louis XV qui avait tenté de l’assassiner. Un récit épouvantable que Michel Foucault a repris pour son livre Surveiller et punir. Les documents rapportent que le public hurlait contre les bourreaux qui souffraient et hésitaient d’accomplir une telle besogne. On raconte que des dames étaient venues et avaient trouvé ce spectacle « plaisant », tout comme le célèbre libertin Casanova, de passage à Paris ce jour là…

En regardant à la télévision des personnages se faire écarteler, les téléspectateurs trouvent-ils cela « plaisant » ?

Certains doivent le penser en faisant conclure le teaser d’Inquisitio par un dominicain borgne ordonnant : « Démembre-le ! »

Epatant Monseigneur Léonard

Mgr André-Joseph Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles, a une réputation de « conservateur » qui fait qu’il a été à maintes reprises vilipendé et même entarté (si, si) par de prétendus « progressistes ». 

Mais qu’est-ce que ce conservatisme que certains lui reprochent ? Tout simplement sa fidélité à Rome, son opposition aux « nouvelles mœurs » et une certaine liberté de parole. 

Pour la messe de minuit, Mgr Léonard en effet exercé cette liberté de parole avec une homélie qui en a surpris plus d’un. Le journal La Libre Belgique a rapporté cet évènement. Voici les extraits les plus significatifs.  Lire la suite

Le manifeste des Chrétiens Indignés : à diffuser très largement !

Les Chrétiens Indignés de France communiquent ! Leur manifeste est reproduit ci-dessous. J’adhère entièrement à leur démarche. Faisons circuler ce document important.


Petit groupe de lecteurs du blog de Patrice de Plunkett (http://plunkett.hautetfort.com), venus d’horizons différents, d’âges, de situations familiale et professionnelle très variées, nous avons en commun notre foi, notre appartenance à l’Eglise catholique et nos convictions sociales et politiques. Profondément interpelés par la crise qui traverse notre époque, nous nous interrogeons sur nos responsabilités et celle de notre entourage chrétien. 


Notre premier acte d’engagement consiste à prendre la parole.  


Nous associons notre voix à celle de tous ceux qui dénoncent depuis si longtemps le système économique néo-libéral qui régit économies et sociétés depuis près de trente ans. Disciples du Christ, nous ne craignons pas d’exprimer notre révolte contre un ordre profondément anti-évangélique dont les conséquences désastreuses ne peuvent plus être contestées. Ainsi :


Comme catholiques nourris depuis plus d’un siècle par une doctrine sociale généreuse, ambitieuse et crédible, pouvons-nous encore défendre un système économique qui ignore, méprise ou nie les valeurs humaines essentielles: la protection des plus faibles, la solidarité, les relations désintéressées, le don gratuit, le sens du renoncement, le dévouement à la collectivité ? Toutes ces valeurs ne sont-elles pas au cœur de l’exigence évangélique ?


Destinataires d’une création extraordinairement féconde, dont nous sommes regardés et désignés par notre Dieu comme les intendants prudents, pouvons-nous laisser se poursuivre les atteintes irréversibles dont elle fait l’objet sans protester avec indignation, et sans nous-mêmes montrer l’exemple par un comportement irréprochable ?


Héritiers d’un humanisme bimillénaire qui enracine toute notre tradition sociale et politique dans une très haute conception de la personne humaine, pouvons-nous ignorer plus longtemps que le  matérialisme assumé et agressif sous le régime duquel nous vivons renvoie de notre humanité une image déformée et enlaidie ? 


L’appartenance au Christ est une force totale qui ne laisse de côté aucun des aspects de la vie des hommes. Or il existe un vaste champ de transformation sociale largement ignoré des chrétiens, qui trop souvent ignorent que les actuels enjeux politiques vont bien au-delà des nécessaires questions éthiques (défense de la vie…). Oserons-nous reconnaître que le constat des injustices criantes  qui affectent les populations fragiles de notre terre, et les transgressions contre l’homme et la nature dont nous sommes chaque jour les témoins, sont un appel à transformer les structures mêmes de nos sociétés, et pas simplement à en corriger les effets désastreux ? Le paradigme libéral non seulement ne marche pas, mais il est indigne de l’homme. C’est notre responsabilité de chrétiens que d’affirmer cela, et de proposer un autre modèle conforme aux exigences de l’Evangile. 


Membres du groupe, nous nous regardons comme les premiers destinataires de cet appel, car le sentiment d’urgence qui nous saisit se heurte d’abord aux limites et aux contradictions de nos propres existences et à la modestie de nos moyens. Nous brûlons simplement de voir les chrétiens se mobiliser sur ces thèmes, et devenir une force généreuse de changement social. 


Que pouvons-nous faire ? 


1-    D’abord, tous nous convertir, et regarder enfin le monde qui nous entoure avec lucidité. Il nous faut faire le constat courageux que nous ne pouvons plus continuer à vivre comme nous le faisons, ni ignorer que le paradigme libéral sur lequel nos vies sont construites n’est pas durable et conduit l’humanité à sa perte. Il nous faut bien comprendre que tout se tient, et qu’il n’y a qu’une seule et même crise : elle est à la fois financière, économique, écologique, politique, morale et spirituelle. C’est la crise d’une humanité qui a perdu son chemin et simplement compromis ses chances de survie en ayant oublié les raisons de vivre. 


2-    Cette conversion entamée, il nous faut changer notre style de vie quotidienne, en vivant personnellement et en promouvant autour de nous une écologie complète et pleinement humaine. Nous pensons en effet que refonder notre société passe d’abord par l’adoption d’un mode de vie simple et respectueux de notre environnement, social et naturel. Changer de vie, c’est renoncer avec fermeté aux logiques de « croissance », d’accaparement et de consommation sans discernement qui caractérisent le mode de vie occidental et choisir, au nom de l’idéal de vie chrétien, de mener une existence sobre et joyeuse centrée sur l’essentiel. 


C’est ainsi que nous, membres de ce groupe, avons entamé dans notre vie personnelle et familiale ce changement nécessaire. Et c’est sans arrogance, mais déterminés à faire réfléchir et à mobiliser notre entourage, que nous vous en proposons le témoignage. Dans l’annexe à ce document, chacun des membres du groupe a accepté de résumer ce qu’il a changé dans sa vie, et pourquoi il l’a fait. Ces témoignages s’adressent à tous ceux qui se demandent quoi faire. En vous partageant ces facettes renouvelées de nos vies quotidiennes, nous affirmons que l’enjeu spirituel de nos existences ne peut être séparé de son enjeu social et collectif : être chrétien, c’est vivre différemment. Et au-delà des enjeux personnels et familiaux, changer nos vies maintenant, c’est déjà rendre possible la coexistence fraternelle des peuples de cette terre, tâche à laquelle nous chrétiens devons hardiment participer en luttant contre ce qui la menace et en défendant ce qui la rend possible.   


3-    Enfin à une plus large échelle, nous devons activement participer à promouvoir tout ce qui autour de nous oriente les hommes vers un avenir nouveau ! Disons-le pêle-mêle : des entreprises à taille humaine soucieuses de leur enracinement dans la société ; des échanges économiques libres mais subordonnés à des règles de solidarité impératives et débarrassés des artifices de la finance dématérialisée ; un mode de vie sobre, proche de la nature, de ses rythmes et des limites qu’elle nous impose, et qui, sans avoir peur de nous répéter, tourne définitivement le dos au modèle consumériste ; toutes les initiatives politiques qui tendent à faire vivre une conception renouvelée du bien commun, entendu dans une acception universelle, capable d’embrasser le sort des peuples proches ou lointains qui subiront directement ou indirectement les choix que nous faisons pour nous-mêmes ; etc. L’Eglise catholique nous adresse depuis quelques années de messages de plus en plus pressants qui sont autant d’appels à nous engager. Citons :



  • La Conférence des évêques de France, dans un document[1] écrit début 2011 : « L’économie libérale dérégulée nous offre comme seul horizon la consommation de toujours plus de biens matériels. La vacuité et la dangerosité d’un tel projet de société sont évidentes : il épuise la planète, réduit l’homme à un rôle de producteur/consommateur et mine la confiance indispensable à toute vie commune. […] Lorsque notre bonheur dépend uniquement des biens que nous possédons, alors les pauvres et les migrants deviennent des menaces et les mesures de sécurité supplantent les mesures de solidarité. »

  • Le Conseil Pontifical « Justice et Paix », qui écrivait[2] en octobre 2011 : « En libérant son imagination, l’homme libère son existence. Il est possible, grâce à un engagement d’imagination communautaire[3], de transformer non seulement les institutions, mais aussi les styles de vie, et de susciter un avenir meilleur pour tous les peuples. »

  • Benoît XVI lui-même, par exemple dans son message pour la Paix le 1er janvier 2010 : « Il est donc sage d’opérer une révision profonde et perspicace   du modèle de développement […]. L’état de santé écologique de la planète l’exige; la crise culturelle et morale de l’homme le requiert aussi et plus encore, crise dont les symptômes sont évidents depuis un certain temps partout dans le monde. […] Les situations de crise qu’elle traverse actuellement […] obligent à repenser le cheminement commun des hommes. Elles contraignent, en particulier, à adopter une manière de vivre basée sur la sobriété et la solidarité, avec de nouvelles règles et des formes d’engagement s’appuyant avec confiance et avec courage sur les expériences positives faites et rejetant avec décision celles qui sont négatives. »[4] 

Ainsi nous pourrons ouvrir en grand nos fenêtres sur le monde avec confiance et générosité, entendre l’appel à la justice qui résonne avec retentissement d’un bout à l’autre de notre terre, et laisser agir en nous l’Esprit de don qui attend notre engagement pour se manifester. 


Notre petit groupe est encore en construction, et nous ne savons pas encore quelle direction nous prendrons. Si vous souhaiter vous joindre à nous, ou simplement vous tenir au courant de ce que nous devenons, faites-le savoir en nous écrivant sur : chretiensindignonsnous@yahoo.fr 





[1] Grandir dans la crise, document de la Conférence des évêques de France – Conseil Famille et Société,  Paris, Bayard Cerf Fleurus/Mame, 2011



[2] Pour une réforme du système financier et monétaire international dans la perspective d’une autorité publique à compétence universelle, Conseil pontifical « Justice et Paix », Cité du Vatican, 2011



[3] En italique dans le texte



[4] Si tu veux la paix, protège la création, Message de sa Sainteté Benoît XVI pour la célébration de la journée mondiale de la paix, 1er janvier 2010