Une Eglise pauvre, pour les pauvres

Le Pape François avec le père Gonzalo, prêtre Uruguayen travaillant auprès des jeunes de la rue.

Le Pape François avec le père Gonzalo, prêtre Uruguayen travaillant auprès des jeunes de la rue.

Le pape François nous a délivré le secret du choix de son nom durant la conférence de presse du 16 mars. Sa référence n’est ni Saint François-Xavier, ni Saint François de Sales mais bien, comme tout le monde s’y attendait, Saint François d’Assise, le poverello.

Il serait très imprudent de parler de « programme » car un pape n’est pas un homme politique avec un programme, des slogans et des propositions. Rien de tout cela chez un pape ! Son élection nous a bien prouvé que les critères humains, inspirés de la vie de la cité, n’ont pas cours au cœur de l’Eglise. La cité des Hommes n’est pas celle de Dieu, il est bien difficile de comprendre l’une en suivant le raisonnement de l’autre. Mais sans évoquer un programme, nous pouvons percevoir une sensibilité, une tendance par le choix de ce nom.

François le dit très clairement « Je porte le nom de François, car je voudrais une Eglise pauvre, pour les pauvres « . Une Eglise qui irait vers sa périphérie, vers ses « favélas ». Le choix de François lui est venue comme une mystérieuse inspiration après avoir pris conscience qu’étant devenu pape, sa priorité sera pour les pauvres.

Un tel choix peut sembler évident pour un chrétien : la pauvreté évangélique, l’option préférentielle pour les pauvres sont des manifestations de la charité, la plus importante des vertus théologales, celle « qui ne passera jamais ». Nous sommes en plein dans le message du Christ.

Mais un tel choix pourrait presque surprendre… oui, il pourrait surprendre tant les conversations d’avant le conclave portaient sur un autre sujet : la réforme de la Curie romaine. Nous attendions un pape réformateur, plutôt jeune, solide aussi bien doctrinalement que physiquement. Certains parlaient d’un pape réunissant les chefs de dicastère comme un Président ses ministres. D’autres disaient que le conclave élirait un « ticket » fait d’un pape et d’un secrétaire d’état, et ils comparèrent même cette solution aux élections américaines… et non, rien de tout cela : nous avons eu Bergoglio, un franciscain égaré dans une jésuitière…

Est-ce incompatible ? Non, car un disciple de Saint François ne peut-être qu’un réformateur, mais pas un réformateur au sens de la cité des Hommes.

Saint François d’Assise a été le plus grand réformateur de l’Histoire de l’Eglise. En son temps, l’Eglise s’écroulait de toute part : corrompue par l’argent, l’Eglise n’était plus que l’ombre d’elle-même. Qu’a-t-il fait ? Il n’a, ni dénoncé les clercs, ni appelé à une « opération mains propres », il n’a commis aucune violence envers les prélats malhonnêtes ni envers personne… François a fait le choix de suivre le Christ.

Il a prié, il s’est uni à Dieu. Attaché à lui, il a choisi de se détacher des richesses : il est devenu un pauvre parmi les pauvres. Uni à Jésus, il a embrassé un lépreux et servi les pauvres. Son choix radical a appelé à sa suite des milliers de vocations. L’Eglise a été renouvelée par cette révolution Evangélique, une révolution sans la moindre violence, toute imprégnée de charité.

Le pape contemporain de Saint François, Innocent III, a eu un étrange songe : il a vu la basilique Saint Jean de Latran s’effondrer, mais un mendiant la soutenait. Peu après, il reconnu en Saint-François le pauvre de son rêve et il compris ainsi qu’il devait accueillir favorablement cet ordre de frères mendiants.

La révolution franciscaine qu’a connue l’Eglise médiévale est toujours d’actualité. Ce sont les saints qui sont les piliers sur lesquels l’Eglise repose.

En ces temps de besoin de réforme, le pape François appelle l’Eglise à être « pauvre pour les pauvres ». Pour le moment, nous ne sommes que dans les premiers jours, François a tenu à faire des gestes symboliques : apparition en simple soutane blanche lors de son arrivée au balcon, port de ses anciennes chaussures, déplacement en bus avec les cardinaux, paiement de sa note d’hôtel comme tout un chacun… A la messe de dimanche il a salué les paroissiens de Ste Anne comme n’importe quel curé. François tient à la simplicité pour présenter au monde une Eglise proche des plus modestes.

François est un pape simple et accessible, mais il est surtout un pape de prière. Il a commencé ses premières minutes d’évêque de Rome en priant, et faisant prier, pour Benoît XVI. Il a ensuite fait ce geste incroyable de demander à prier pour lui. Il nous rappelle ainsi que tout commence par la prière. Tout, à commencer, bien sûr, par cette réforme tant attendue.

La réforme aura-t-elle lieu ? Nous n’en savons rien. Elle prendra certainement des formes inattendues. Mais ce qui est certain, c’est que sa source sera le Christ.

Le pape nous appelle au choix du Christ, donc de la charité et de la pauvreté.

Le songe d'Innocent III. St François d'Assise soutien St Jean de Latran sur le point de s'effondrer.

François

FrancescoLa surprise est totale, la joie est immense. Surprise d’un pape aussi inattendu, joie d’avoir un pape et un pape simple, humble et priant.

Tout est surprise chez lui, tout, y compris le déroulement de son élection.

On s’attendait à un conclave long, de plus de six tours : il y en a eu cinq, ce qui est plutôt court.

On s’attendait à un pape jeune, sexagénaire ou au maximum de 72 ans (le papabile Scola). Il en a 76, soit deux petites années de moins que Benoît XVI à son élection.

On ne s’attendait pas à un jésuite, il n’y a eu aucun pape ignatien et une légende tenace (mais désormais morte) disait que ce n’est pas compatible avec la papauté. Il en est un.

On ne s’attendait pas à Jorge-Mario Bergoglio car une rumeur prétendait qu’il avait refusé d’être élu en 2005. Il serait pourtant bien parti, ayant peut-être eu beaucoup de voix. Mais il aurait eu une sorte de malaise indiquant une peur de sa charge, une expression sur le visage exprimant une angoisse, un refus, qui aurait dissuadé les cardinaux de voter pour lui aux tours suivants… est-ce vrai ? Nous n’en savons rien. Mais ce qui est sur est que cette histoire l’a éloigné de beaucoup de listes de papabile… Ce qui ne l’a pas empêché d’être élu. 

Enfin, on s’attendait à un Léon XIV, Paul VII, Jean XXIV ou Benoît XVII… Nous voici avec François ! Un nouveau nom dans l’histoire des papes, un nom plein de sens car il se réfère à Saint François d’Assise. C’est une surprise et elle en dit peut-être beaucoup sur notre nouveau pape : généralement, le choix du nom est une sorte de programme ou au moins une référence particulière pour le pape. Alors dans le cas de François la référence est la plus profonde qui soit. Saint François d’Assise est peut-être le plus grand saint de l’Histoire de l’Eglise… le plus grand saint parce que le plus petit, le plus humble de tous : il a choisi de vivre dans la pauvreté. Cette référence est-elle un programme pour le pape ? Dans son cas il est impossible de répondre actuellement, mais le symbole est très puissant, très grand, très profond.

Saint François est le saint de la pauvreté. Il a choisi d’être pauvre parmi les pauvres. Il embrassa un lépreux et vécu au service des plus misérables. Il est le saint de la charité et de l’humilité. Le message est fort : François est le premier pape de l’hémisphère sud, hémisphère de la pauvreté.

Saint François est le saint de la Création: il est le saint patron des écologistes ! Quel message, en ces temps de crise écologique !

Saint François a connu une Eglise en pleine crise, gangrénée par la corruption. Or, son œuvre a profondément bouleversée l’Eglise. Par sa sainteté, sans être un réformateur, il a renouvelé l’Eglise. Une réforme par la sainteté, la charité, l’humilité…

Saint François est le saint du dialogue. Il a discuté, dans la paix et la charité, avec un sultan qui était en guerre contre les chrétiens. Sans violence, il est allé lui parler. C’est devant cet exemple que Jean-Paul II a organisé la première rencontre interreligieuse à Assise. Beau message de paix !

Enfin, saint François est le saint de la vie intérieure. Profondément mystique, il a reçu les stigmates, saint François était un homme de prière.

Avec un tel nom, nous aurions, si c’est le but du pape, un magnifique programme. C’est bien parti. Il a commencé son pontificat d’une manière très originale : il a prié, et fait prier, pour son prédécesseur. Surtout, il a demandé à ce que l’on prie pour lui. Démarche spirituelle mais aussi d’humilité : il souhaite que le peuple de Dieu demande à Dieu de le bénir. Il manifeste par là qu’il a grandement besoin de nous. Cette prière était belle : un long temps de silence et un pape incliné, le visage vers le sol.

Nous avons vu le soir du 13 mars un pape simple, priant, attachant. Quand nous lisons sa biographie, nous voyons qu’il était un prêtre puis un évêque très proche des plus pauvres, des malades, des personnes loin de la foi… Il est connu pour être un  « homme de prière, qui fuit le paysage médiatique et mène une vie sobre et évangélique. » Il a une évidente sensibilité “franciscaine”, même s’il est d’un autre ordre religieux.

François est déjà surnommé dans les réseaux sociaux « le pape de la charité ». Nous accueillons sa venue avec joie !

Au cénacle

Veni creator spiritus… En chantant l’appel à l’Esprit Saint, les cardinaux entrent dans la chapelle Sixtine pour y rester enfermés à clés, « cum clave », ce qui est le sens de « conclave ».

Au conclave, les cardinaux sont comme les apôtres enfermés dans le cénacle à Jérusalem. Les premiers disciples étaient enfermés, coupés du monde. Jésus était monté aux cieux quelques jours avant, il leur avait promis la venue de l’Esprit. Confiant dans les paroles du Seigneur, ils ont prié et ont attendu.

Le conclave est un nouveau cénacle où les cardinaux prient pour que l’Esprit Saint descende sur eux. Le conclave est le lieu du mystère de l’Eglise : divine et humaine à la fois. L’Esprit Saint vient sur des hommes libres. Il participe à l’élection sans s’imposer. L’élection du pape est le fait d’une décision toute humaine : sur des critères terrestres, les cardinaux désigneront le successeur de Pierre. Ils choisiront le pape selon son profil théologique, sa personnalité, son âge, sa santé, les langues qu’il connaît etc. Mais ils demanderont à l’Esprit Saint de féconder cette réflexion, de leur inspirer la bonne décision, le bon critère de vote. C’est une élection à la fois humaine et divine, tout comme l’est l’Eglise : institution humaine et corps mystique du Christ. Et comme l’est Jésus : vrai homme et vrai Dieu. Comme l’est l’eucharistie : pain fabriqué par des hommes et corps du Christ. Comme l’est la Bible : texte écrit par des hommes et véritable parole de Dieu.

Les portes de la chapelle Sixtine sont maintenant fermées. Les cardinaux sont invisibles, coupés du monde. L’Eglise retient son souffle pour que l’Esprit souffle. Nous nous tenons derrière la porte pour les porter dans la prière.

Tous les jours de ce conclave nous allons attendre, fébrilement ou pas, la fumée blanche.

Tous les jours de ce conclave nous pourrons participer à cet évènement en priant pour un cardinal en particulier ou pour tous les électeurs.

Tous les jours de ce conclave, nous ferons un acte de foi et d’espérance : le prochain pape sera le nôtre, le bon, la Pierre sur laquelle repose l’Eglise.

Veni creator spiritus

PorteClose

La renonciation de Benoît

B16c

Benoît XVI a abdiqué. La nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Personne ne s’y attendait. Même si un tel acte est canoniquement possible, cela ne s’était jamais vu depuis le Moyen-âge.

Benoît XVI a brisé un tabou, celui du Pape-Roi qui règne jusqu’à sa mort comme tous les monarques de la Terre. Ce tabou est comparable à celui qu’ont pulvérisé les cardinaux en 1978 quand ils ont élu un pape non-italien, là aussi, une première depuis le Moyen-âge. Eh oui, les tabous tombent car l’Eglise change, pour toujours rester fidèle à elle-même, à sa vocation d’universalité. Elle change car elle n’est plus dirigée par un Prince Italien qui gouverne un petit Etat de la péninsule italienne (un quart de l’Italie actuelle). Depuis 1929 et les accords du Latran, les Etats pontificaux ont été réduit à 44 hectares : un Etat sans nation, un pur symbole qui garanti au Pape une indépendance politique. Il n’est plus un Prince d’Italie, sa fonction est redevenue spirituelle avant tout. Fini le Prince italien, il peut donc être de n’importe quelle nationalité. Fini le Pape-Roi, il peut donc prendre sa retraite comme n’importe quel évêque. Lors de son élection, Benoît XVI a d’ailleurs acté cette évolution par un petit geste presque passé inaperçu : sur son blason, il n’a pas mis de tiare, symbole du pouvoir temporel du Pape, mais il l’a remplacé par une mitre et un pallium. Ces deux symboles sont des attributs spirituels de la papauté.

Le conservateur Ratzinger n’est pas aussi réac que la presse le présente, bien au contraire ! Il a compris son époque, la place de l’Eglise dans le monde actuel, le rôle et le sens de la papauté aujourd’hui.

Tout son pontificat a été un dialogue avec le monde d’aujourd’hui. Tout son pontificat a été un message adressé à un monde en pleine mutation. Benoît XVI a parlé à un occident sans Dieu, à une Afrique mystique, et à un monde devenu village.

Il a appelé au développement intégral de l’Homme, dénoncé l’ultralibéralisme, appelé au respect de la création. Il a défendu la notion juridique de droit naturel devant un Occident acquis au positivisme juridique. Il a maintes fois dénoncé le relativisme dans un nouveau monde soumis au « dogme de l’antidogme »1. Son œuvre est dense, puissante et surtout inclassable : ni conservateur, ni progressiste, ou peut-être les deux à la fois, Benoît XVI est résolument catholique.

Benoît XVI a su parler au monde durant un pontificat marqué par de nombreuses tempêtes. Affaire Williamson, polémique de Ratisbonne, Vatileaks … Benoît XVI aura été un des papes les plus conspués et toujours très injustement. À la fois théologien génial, philosophe exceptionnel, il a su prendre des décisions courageuses : politique très sévère contre les prêtres pédophiles, reprise en main de la Légion du Christ, réforme des finances du Vatican… Sa fermeté exemplaire a marqué un tournant dans la gestion des affaires internes de l’Eglise. Pour cela, il a fait preuve de beaucoup de courage et d’une immense liberté. Son dernier geste illustre à la perfection ce courage et cette liberté.

Benoît XVI, malgré l’image réactionnaire qui lui a été affublée, est un pape d’aujourd’hui. Son message restera. Son humilité et son courage feront dates. L’œuvre de « l’humble ouvrier de la vigne du Seigneur » portera de nombreux fruits.

1 La formule est d’Alain Finkielkraut

L’écologie pour tous

Un des slogans de la Manif pour TousLe grand mouvement de la Manif pour tous serait-il le point de départ d’une révolution écologique ? Nous pouvons nous poser cette question car Tugdual Derville, un des membres du collectif Manif pour tous, a déclaré :

« Un mouvement “d’écologie humaine” est en train de se lever. » Et il précise : « Nous ne nous battons pas pour notre intérêt propre, mais pour défendre un bien précieux pour tous que nous n’aurions jamais imaginé menacé. Ce bien – le fait que tout être humain est issu de la complémentarité d’un homme et d’une femme – est une réalité qui vient de la nuit des temps. Propre à l’humanité, il est à l’origine de chacun d’entre nous. Or une loi prétend effacer cette réalité. (…) Je vois des similitudes entre ce mouvement et la naissance de l’écologie politique il y a quelques décennies. Au départ, ce fut la rencontre d’associations de défense de milieux naturels menacés et d’experts visionnaires faisant émerger une question que l’on ne pensait pas avoir à se poser un jour : quelle Terre allons-nous laisser en héritage aux générations futures ? À l’époque, beaucoup de chrétiens[1] faisaient d’ailleurs partie de l’aventure. Il est stupéfiant que ceux qui, actuellement, prétendent incarner l’écologie aient oublié ce qui fait l’essence de l’humanité et soient aux antipodes de notre préoccupation. Pourquoi passer sous silence le repère le plus naturel qui soit : que tout enfant vient d’un homme et d’une femme ? La protection des plus vulnérables devrait s’effacer devant la toute-puissance ! »

Tugdual Derville s’interroge devant le positionnement d’Europe-Ecologie-les-Verts (EELV) : comment peut-on défendre, en même temps, l’écologie et un mariage « pour tous » qui permet de créer des filiations fictives ? Pire : EELV défend la procréation médicalement assistée (PMA) qui « fabrique » des enfants coupés de leurs filiations à grands renforts de prouesses biotechnologiques… Les Verts seraient-ils en pleine contradiction ? Lire la suite

L’écologie est un humanisme

Le changement climatique est un sujet polémique qui ne manque jamais de déchaîner les passions. La raison en est simple : les enjeux sont colossaux et l’Homme est pointé du doigt comme étant le responsable d’une catastrophe annoncée depuis longtemps… 

Tibor Skardannelli a écrit, sur Tak.fr, un intéressant article sur le sujet : Climat, le soleil fait tâche. Excellent papier… avec lequel j’ai quelques divergences qu’il me pardonnera j’en suis convaincu.  Lire la suite

Inquisitio : un profond malaise

La nouvelle série de l’été de France 2, Inquisitio, suscite un grand malaise. J’ai pu la voir en avant première, et cela a confirmé le sentiment que j’ai eu à la vision des différents teasers et synopsis de ce programme. Sentiment que j’ai évoqué dans un article précédent. 

Le problème posé par cette « fiction » est profond. Elle nous présente une Eglise médiévale (1378) sombre, violente, perverse avec un cortège de prélats libidineux, corrompus, et une Sainte Inquisition cruelle, tuant et torturant systématiquement.

Le tableau est atroce. Il laisse paraître une Eglise où il n’y aurait rien de bon. L’Inquisition fait irrémédiablement penser à la Gestapo par l’antisémitisme de ses hommes, et la terreur qu’elle fait régner dans la société… et surtout dans les quartiers juifs. Quant au port de la rouelle par les Israélites, il évoque l’étoile jaune. Bref : nous avons là une atmosphère particulièrement anachronique où les chrétiens remplacent les nazis.

Nous n’avons pas le beau rôle…ça fait mal. Et la blessure est d’autant plus grave que l’Histoire n’est pas respectée.

Soyons justes : Ne justifions pas l’injustifiable

Bien entendu je ne vais pas justifier l’Inquisition, ni la torture, ni les bûchers et autres mises à mort. Une exécution est toujours une exécution de trop. Une torture est toujours quelque chose d’abominable en contradiction formelle avec l’Evangile. Pour le jubilé de l’an 2000, le Pape Jean-Paul II a mis en place la commission Mémoire et Réconciliation afin de procéder à une étude historique approfondie des épisodes les plus douloureux de notre histoire. Le Pape tenait à ce que toute la lumière soit faite sur nos heures les plus sombres…afin de pouvoir demander pardon à Dieu durant la cérémonie jubilaire du 12 mars 2000. Jean-Paul II appelait cela la « purification de la mémoire » afin que de telles horreurs ne se reproduisent plus. L’Inquisition, et l’antisémitisme chrétien ont donc été étudiés par cette commission. Les faits ont été reconnus et le pardon a été demandé.

Mais la vérité historique se doit d’être respectée. Déformer l’Histoire dans un sens qui diabolise les catholiques n’est pas correct et offensant : or Inquisitio collectionne les non-sens. Non-sens qui vont de détails comme des voyages de dominicains à cheval (ils se déplaçaient à pied par pauvreté), à des points essentiels comme des scènes de débauche de religieux (un pape partouzeur…), des exécutions systématiques, des tortures à répétition et surtout : de la diffamation autour de personnages ayant réellement existés. C’est sur ce dernier point que je compte insister.

Sainte Catherine de Sienne diffamée

Un des principaux personnages d’Inquisitio est Sainte Catherine de Sienne. Interprétée par Anne Brochet (la Roxane du Cyrano joué avec Gérard Depardieu), elle est présentée comme une fanatique, conspiratrice aux ordres du Pape de Rome Urbain VI pour combattre l’antipape d’Avignon Clément VII. Nous la voyons s’empaler les mains en public pour faire un miracle (qui semble être un tour de passe-passe à l’aide de potions) et surtout, elle est à l’origine d’horribles meurtres visant à inoculer la peste dans la population d’Avignon ! Eh oui vous lisez bien : Sainte Catherine de Sienne tente par tous les moyens d’inoculer la peste dans la population avignonnaise ! Cela dans le but de vaincre Clément VII (sans doute en le tuant par le fléau). Sainte Catherine serait donc la première terroriste de l’Histoire à utiliser des armes de destruction massive ! Bactériologiques en l’occurrence… Tout cela nous est représenté à renfort d’ambiances grand-guignolesques style « Fort Boyard », de personnages masqués façon Tim Burton, et de dialogues épouvantables comme « J’ai fait alliance avec le démon pour la gloire de Dieu ».

Evidemment tout cela est faux. Rien n’atteste que Sainte Catherine ait fait et dit de telles choses. De plus, en 1378 elle n’était pas à Avignon…C’est donc une pure invention.

Mais cette invention est grave car elle porte atteinte à l’image d’une sainte vénérée par des millions de catholiques. Sainte Catherine de Sienne est docteur de l’Eglise et co-patronne de l’Europe, la faire passer pour une fanatique comparable à Ben Laden est inacceptable. C’est non-seulement faux mais profondément malhonnête.

Je vous invite vraiment à découvrir Sainte Catherine de Sienne. Elle appelait au renouveau de l’Eglise, à son unité, ses Dialogues sont d’une très grande profondeur…nous sommes très loin du fanatisme, et son message est encore d’actualité. De plus, elle présente à la perfection le rôle essentiel qu’avaient, et ont toujours, les femmes dans l’Eglise. Elle était écoutée du Pape, des prélats et des princes…qui a dit que l’Eglise était misogyne ? L’Inquisition pour les nuls nous donne des informations intéressantes sur Sainte Catherine.

Et si on s’informait ?

De tels propos ne peuvent être diffusés à un très large public sans qu’il n’y ait aucune réaction. Il est bon que des gens se lèvent et disent « non » à ces mensonges. Et ce n’est pas seulement une affaire de chrétiens. L’Histoire appartient à tout le monde, et toute personne soucieuse de vérité historique peut être offusquée par ce genre d’émission. Mais j’ai l’intime conviction que cela passe principalement par l’information. N’ayons pas peur de nous documenter, de découvrir cette époque passionnante, et terrible, qu’était le XIVeme siècle. Faisons circuler des sites Internet qui diffusent des textes d’historiens sur ces évènements. Un excellent site vient d’être mis en place : l’Inquisition pour les nuls. Toutes les réponses aux questions posées par la série sont dessus.

L’historien Didier-le-Fur a aussi écrit un très bon livre qui répond point par point à Inquisitio : L’Inquisition en France. S’informer, répandre au maximum cette information, voici la meilleure réponse que nous pouvons faire à Inquisitio…et bien entendu dans un esprit de dialogue.

Nanar

Enfin, j’aimerais conclure avec une réalité à reconnaître : Inquisitio est un navet. Mal ficelé, ennuyeux à mourir, dénué d’humour (sauf par un involontaire second degré), violent, cruel, cette série a tout du feuilleton commercial mal fagoté. Les dialogues ridicules entreront certainement dans les annales et feront les joies de sites comme « Escale à Nanarland ». Et oui, cette saga de l’été est un ratage…

Je n’en dis pas plus, regardez plutôt la « véritable » bande annonce d’Inquisitio :

Vous avez dit non-négociables ? (1)

La campagne présidentielle a mis le monde catholique français en émoi… La plupart des chrétiens ne savent pas vers qui se tourner tant l’offre politique ne semble guère évangélique. Dans ce brouillard politique, nous avons avec nous quelques instruments de navigation : Outre une riche doctrine sociale, l’Eglise a défini des « points non-négociables ». Par définition, ces points sont des problématiques fondamentales sur lesquelles nous ne pouvons pas transiger… Ils sont formulés dans la note du 24 novembre 2002 du préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi de l’époque, un certain Joseph Ratzinger… Ce texte est essentiel, il résume une grande partie de la doctrine sociale de l’Eglise en nous donnant des clés pour comprendre et nous repérer dans la vie politique actuelle.  Lire la suite