La Démocratie-chrétienne aujourd’hui et demain

Le cycle sur la Démocratie-chrétienne aurait pu s’achever avec les articles sur la transformation du MRP en Centre démocrate par Jean Lecanuet. Les deux articles sur le gaullisme et cette famille politique aurait été des « spin-off » destinés à mieux comprendre l’échec du MRP. Ainsi, la Démocratie-chrétienne française serait resté dans le monde d’hier, conjuguée au passé et hantant, par de funestes remords, ses héritiers dispersés à l’UMP, au PCD, au Nouveau Centre et au Modem…

Mais non, je tiens à conclure cette série par une ouverture sur l’avenir car la Démocratie-chrétienne française n’est pas morte avec le MRP. Plus que jamais, notre époque appelle au retour des chrétiens-démocrates.  Lire la suite

Le choix de la raison

La politique a ce travers qui est celui d’être l’art du possible. Prisonniers de la réalité nous devons « faire avec » et trop souvent mettre de côté nos idéaux les plus nobles. 

Ce réalisme est celui de Christine Boutin, présidente du Part Chrétien-Démocrate, qui a annoncé hier soir qu’elle arrêtait la course àla présidentielle. Fautedes 500 signatures nécessaires, elle a choisi de changer de fusil d’épaule…En soutenant Nicolas Sarkozy. 

Stupeur chez certains, cris d’épouvante chez d’autres, joie chez quelques uns : elle se rallie à l’UMP ! 

Je vois déjà les commentaires fuser, les accusations de grands rigoureux abonder : compromission avec le pouvoir, quête d’un maroquin… Absurde ! Tout le travail de Christine Boutin, toute son œuvre politique a été au service d’une idée politique : la Démocratie chrétienne, et à quel prix ! Madame Boutin a été vilipendée, trainée dans la boue depuis 1998 et le débat sur le PACS. Nombre de ses alliés, de ses amis l’ont lâché car elle a eu des prises de position courageuses et à contre-courant. Ses choix, sa candidature aux présidentielles de 2002, la fondation du Forum des Républicains Sociaux devenu des années plus tard le Parti Chrétien-Démocrate va dans le sens de ses convictions humanistes et Démocrates-chrétiennes inchangées depuis le début de son engagement politique. 

Mais défendre des idées implique t’il de s’isoler, de ne s’allier avec personne, de refuser de travailler avec un gouvernement sous prétexte que nous ne sommes pas en accord avec lui à 100% ? 

Certains reprochent à Christine Boutin d’avoir travaillé avec l’UMP et de remettre ça à nouveau…comme si elle aurait été une « grande dame de la politique » si elle avait boudé le gouvernement au nom de la pureté politique… Absurde ! Que vaut cette soi-disant pureté si elle n’est qu’impuissance ! 

Non : le but de la politique est de construire quelque chose, or construire implique de participer au pouvoir et participer au pouvoir implique de savoir quelles sont nos priorités. Or pour le PCD la priorité est aux valeurs ! 

Nicolas Sarkozy et François Hollande ont tous les deux le mérite d’avoir tenu un discours clair sur la question des valeurs. 

Le candidat socialiste est favorable au mariage homosexuel, à l’homoparentalité et est prêt à légaliser l’euthanasie. A cela s’ajoute une forme de laïcisme exacerbé… Les valeurs ne sont donc pas au rendez-vous, en revanche les nouvelles mœurs tiennent le haut du pavé…

 Le Président sortant défend l’inverse. Lors de son interview au Figaro Magazine il a affirmé son opposition à l’euthanasie, au mariage gay et à l’adoption par les couples homos. Il donne donc des garanties sur ce sujet. 

Bien entendu l’harmonie n’est pas parfaite, il existe des points de divergence mais il est objectivement préférable que Nicolas Sarkozy soit réélu. Nous ne pouvons pas prendre le risque de mettre François Hollande à l’Elysée… 

La question qui se pose est : Sarkozy ou Hollande ? Les autres candidats, même s’ils font de beaux scores, n’ont aucune chance de parvenir au pouvoir… Il ne faut donc pas se tromper et au moins limiter les dégâts. 

Je comprends ceux qui sont tentés d’aller à la pêche devant le peu d’intérêt de cette campagne électorale. Sur Twitter il y a eu récemment une brève discussion sur ce sujet et j’ai émis quelques tentations la dessus…Mais non, il faut voter et voter utile pour éviter au pays une catastrophe. 

Bien entendu cela ne fait pas de moi un Sarkozyste pur et dur. Il y a des choses que je n’approuve pas dans ses idées… Mais sur les questions économiques Hollande ne changera rien : il est aussi libéral que Sarkozy, aussi prisonnier du dogme de la croissance que lui, aussi partisan de l’austérité que lui… En revanche, il sera désastreux sur les questions de société. 

Donc oui Christine Boutin a fait le bon choix : le choix de la raison.

Définir la Démocratie-chrétienne

Pour une première partie sur la Démocratie-chrétienne il faut commencer par l’essentiel : de quoi s’agit-il ? 

Question plus difficile à répondre qu’il n’y parait tant l’engagement des chrétiens en politique a pris maintes formes différentes. Toutes ces initiatives, bien que chrétiennes, ne sont pas toutes « Démocrates-chrétiennes ».  Lire la suite

Christine, François et la Démocratie chrétienne

Samedi 8 octobre, Christine Boutin a inauguré son « Atelier de campagne » à Levallois-Perret. Inauguration qui fût aussi le lancement de sa campagne présidentielle. Dans son discours, elle a dit quelque chose qui m’a marqué et que la presse a tenu à souligner. Sans nommer François Bayrou (elle l’a désigne comme « le plus parisien des béarnais »), elle l’a attaqué fermement, voire durement, en disant : « Il se pare d’être un bâtisseur fiable. Il a surtout détruit. Il a détruit la démocratie chrétienne; il a détruit l’école, en l’abandonnant aux pédagogistes ; il a renié les valeurs permanentes qui ont fait la France, en se pliant aux règles du politiquement correct, que ce soit sur les questions de société ou sur la définition à donner au mot laïcité ». Ca casse…Et pourtant, je suis globalement d’accord avec elle, surtout avec sa première « accusation » : « Il a détruit la Démocratie chrétienne ». Cette assertion résume, à mes yeux, tout son propos. 

Oui, Bayrou à détruit la Démocratie chrétienne. Il l’a détruit au profit d’un « Centre » dénué de toute référence philosophique. Mais pourquoi ? Pour cela il faut remonter dans le temps. Remonter même avant François Bayrou, dans les années 1960 où le Mouvement Républicain Populaire disparaissait, notamment par le fait de Jean Lecanuet. 

La Démocratie chrétienne française a une longue histoire. Une histoire ponctuée d’échecs et de renaissances. Depuis ses origines avec Lamennais et surtout Frédéric Ozanam en 1848, elle n’a jamais connu de partis politiques puissants et connaissant une longévité comparable aux partis radicaux, communistes ou encore socialistes. La formation politique démocrate chrétienne la plus importante a été le Mouvement Républicain Populaire, fondé en 1944 et disparu en 1967. Son dernier leader, Jean Lecanuet, a clairement abandonné la référence démocrate chrétienne. Il a dirigé le MRP de 1963 à1965, a été candidat à la présidentielle de 1965 (où il a fait 15,57%), mais il a totalement occulté la ligne démocrate chrétienne. Il ambitionnait de rassembler les différentes formations « centristes » en un grand mouvement humaniste et en contestation avec le Général de Gaulle. Il a tenté des rapprochements avec les radicaux, les libéraux du CNI et des Républicains indépendants qui ont donné lieu à la création du Centre Démocrate, ancêtre de l’UDF. 

Lecanuet voulait ratisser large. Pour ne pas choquer les laïcs, libéraux, radicaux et démocrates-sociaux, il a supprimé le « chrétien » de démocrate-chrétien. Lecanuet avait même envisagé une alliance beaucoup plus vaste : il voulait fusionner avec l’aile droite de la SFIO (alors en crise). Mais il a été rattrapé par l’identité du MRP : les socialistes ne voulaient pas de « démocrates chrétiens », même quand ceux-ci se reniaient eux-mêmes. 

François Bayrou a le même raisonnement que Jean Lecanuet. Il refuse de se définir comme démocrate chrétien. Il dit toujours qu’il sépare ses convictions religieuses (qui sont réelles et profondes) et son travail politique. Une séparation stricte alors qu’en dirigeant l’UDF, puis le Modem il est l’héritier des mouvements issus du MRP. Il continue donc la déconstruction de la démocratie chrétienne qu’avait commencée Jean Lecanuet. 

Pourtant il y a des démocrates chrétiens au Modem, mais ils n’ont aucune visibilité à travers leur parti. 

Christine Boutin peut se permettre une telle sortie contre François Bayrou. En effet, elle dirige le seul mouvement se réclamant ouvertement de cette famille de pensée. Son intitulé, la référence à Robert Schuman, la défense des racines chrétiennes de l’Europe et de la France, la portée sociale de son programme, tout fait du Parti Chrétien-Démocrate le seul mouvement 100% Démocrate chrétien de l’échiquier politique français. 

La Démocratie-chrétienne connaît-elle une nouvelle jeunesse avec le PCD ? Il semblerait que la « politique de la terre brûlée » de Bayrou n’ait peut-être pas tout détruit…