Mélenchonia

Il est une humeur qui est à la mode en ces temps de crises : la mélancolie. Lars von Trier l’a mis en scène dans son dernier film intitulé Mélancholia. Un film à l’atmosphère de fin du monde où une petite planète va mettre un terme à l’humanité…un film ajusté au calendrier Maya qui nous annonce des joyeusetés pour la fin de l’année (je n’y crois pas si ça peut vous rassurer). 

Je n’ai pas vu ce film, salué par la critique certainement à raison, et je ne vais pas vous en parler… Simplement, cette mode de la « mélancholia » semble avoir pris une forme originale en cette campagne présidentielle. Cette forme est celle de la « Mélenchonia »…Oui vous avez bien lu, ce n’est pas une faute de frappe ou un quelconque « lapsus calami », j’ai bien écrit la « Mélenchonia ». Mais qu’elle est cet OVNI des humeurs ? 

Tout simplement, c’est l’attitude et le discours de Jean-Luc Mélenchon. Tout en lui transpire la nostalgie des temps passés, le regret d’une époque révolue, la tristesse d’un rêve de grand soir transformé en sinistre crépuscule… Eh oui, tout dans ce cher Jean-Luc, son propos révolté, ses yeux embrasés, sa mèche agitée nous rappelle les grandes heures de la guerre froide où Thorez, Duclos, Marchais croyaient encore au triomphe des chars soviétiques sur les armées capitalistes…                        

Et il nous en ressorts de ces poncifs ! Le plus caricatural, le plus pathétique a été de dire que Cuba n’est pas une dictature… Vingt ans après la chute du mur, trente ans après la Perestroïka, revoilà le vieil argument de la propagande post-stalinienne auquel seul les rédacteurs de la Pravda croyaient : on peut être dans un pays communiste et fumer un cigare sous les palmiers… Mais Jean-Luc, voyons, qu’est-ce qu’il te prend ? Parce qu’un régime où un révolutionnaire a les pleins pouvoirs pendant cinquante ans est une démocratie ? Et quand ce « révolutionnaire-président » prend une retraite bien méritée et est remplacé illico par son frère est encore une démocratie ? Quid de la liberté de la presse ? Et de la liberté des cultes ? 

Et ce n’est pas fini ! Comme au bon vieux temps de Georges Marchais on a même droit…à la politique de la main tendue ! Si, si, la main tendue vers…Les cathos ! Dans la Vie, Jean-Luc Mélenchon affirme : « Les catholiques ? Je les connais comme ma poche. Je lis les encycliques, moi, et je dois être le seul à ­gauche à le faire ! » Je dois vous l’avouer : en lisant cet entretien…j’ai sauté au plafond (emportant un bout de placo en passant…). Mélenchon lit les encycliques ! Lui l’anticlérical forcené, lui l’Emile Combe de 2012 ! Il s’explique : « Je suis un adversaire de l’Église en tant qu’acteur politique, du cléricalisme, pas de la foi. » On retrouve un souverain poncif habituel : la foi est distincte du discours du Pape, du magistère, de l’Eglise… Pourquoi séparer ce qui ne peut l’être ? L’Eglise repose sur la foi…A t’il bien lu les encycliques ? « Ma relation au christianisme est informée, je sais faire la différence entre les Évangiles, entre la chrétienté latino-américaine et européenne. » Déconne pas Jean-Luc, il n’y a pas les gentils théologiens de la libération en Amérique du Sud et les vilains intégristes Européens… Evidemment il nous rassure : « Il n’y a pas de haine. » J’espère bien ! Et je ne demande qu’à le croire… Mais on peut se demander : pourquoi ce mélange d’anticléricalisme et d’intérêt pour la foi chrétienne ? Pourquoi cette obsession laïque et cette information assidue du discours de l’Eglise ? Bref, pourquoi ça et pas de l’indifférence ? « Quant à moi, j’étais enfant de chœur. Je disais la messe en latin. Puis, l’Église a excommunié ma mère quand mes parents ont divorcé en 1960. J’ai ressenti une violence incompréhensible pour un garçon de 9 ou 10 ans à l’époque. » La clé…une blessure. Sans vous infliger une séance de psychanalyse de comptoir, nous voyons là une souffrance avouée… Je ne vois pas dans cette déclaration une énième caresse électorale, un argument larmoyant pour catho social orphelin de candidat…Je vois juste un homme blessé, qui a connu dans son enfance une Eglise où il se sentait chez lui…puis est venu un drame familial…le divorce, des conséquences ecclésiales mal vécues, peut-être aussi mal amenées par des chrétiens…Et une profonde tristesse, un profond dépit, une révolte… une « Mélenchonia ». 

En cette présidentielle aussi morose, n’a-t’on pas besoin d’autre chose que de la mélancolie ? Oui : nous avons besoin d’espérance !

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