Sexe et Eglise : « Tes amours sont plus délicieuses que le vin »

Colossale disputatio ! C’est la conclusion, provisoire, que je tire des débats qui ont agité la cathosphère ces derniers jours. La discussion est passionnante et elle a permis à des esprits brillants de s’exprimer. René Poujol vs Natalia Trouiller avec en prime Philippe Oswald, Pascal-Emmanuel Gobry et une myriade de commentateurs… et aussi de trolls qui ont fêté le 24 août dernier le 440eme anniversaire du massacre de la Saint Barthélémy par une reconstitution de l’évènement sur le Réseau social.

J’aimerais en venir au cœur du sujet de cette polémique : le sexe et l’Eglise. Soyons clair, je ne suis pas un expert ni en théologie, ni en psychologie et mon expérience de la vie est trop restreinte… Je ne peux donc vous livrer que mon ressenti de baptisé et d’homme.

J’entends parfaitement les arguments de ceux qui sont en désaccord avec certains points du magistère. L’enseignement de l’Eglise est fort, puissant, il n’est pas facile et je dirais même qu’il n’est pas fait pour être facile. Mais cet idéal a un but : l’amour. Il est fait pour l’amour, pour nous guider vers l’amour, pour que nous puissions aimer l’autre en vérité afin d’aller vers le grand Autre : Dieu. La sexualité est un signe de l’amour de Dieu car c’est le sommet de la rencontre entre deux êtres. Une rencontre puissante puisqu’elle laisse une empreinte profonde dans le corps et l’esprit des deux personnes. C’est une union, une communion qui ne peut en aucun cas être banalisée.

La Bible nous parle de sexe. Elle est même profondément sexuelle ! Oui, sexuelle. Non pas pour ses récits de copulations incestueuses comme l’histoire de Loth, accouplements étranges, alcoolisés qui ont donné naissance à des peuples ennemis d’Israël… ce qui en soit dégoute de ces pratiques. Non plus dans le recours à une mère porteuse comme l’a fait Abraham… le sort que subit ensuite Agar nous montre bien que cet acte crée des jalousies et d’injustes souffrances. Non, ces histoires, toutes pédagogiques, nous parlent plus de  génitalité que de sexualité pour reprendre la distinction de Fabrice Hadjadj. Le Sexe est autre chose, c’est la rencontre de deux personnes différentes, l’homme et la femme, rencontre qui se fait dans l’amour par le don mutuel. La sexualité, le Sexe imprègne toute la Bible et il culmine dans le livre qui en occupe le centre : le Cantique des Cantiques.

Fantastique poème d’amour, texte profondément érotique dépassant en sensualité tout ce que notre époque peut nous vendre avec l’étiquette « charme », le Cantique est sans doute le sommet de la littérature amoureuse. Lisez, relisez-le et surtout ses notes de traduction qui explicitent ses euphémismes… Comment peut-on imaginer les chrétiens avoir peur du sexe alors qu’ils ont un tel texte ? Rassurez-vous, nous n’en avons pas peur, tout au plus il y a quelques malentendus.

Le Cantique des cantiques est au cœur de la Bible. Il peut aisément être lu dans ses deux sens : le sens premier, un poème d’amour, le sens figuré, un chant narrant l’amour entre Dieu et son peuple. Les deux sens se confondent, se mêlent car la sexualité dans son essence est symbolique : elle figure la relation entre Dieu et l’Homme. Toute la Bible est traversée par cette allégorie nuptiale et donc sexuelle car la rédemption de l’Humanité passe par les noces de l’Agneau… Ce sont ces noces qui sont annoncées par le Cantique. Et bien sûr qui dit noces dit sexe car il y a mariage une fois que les époux se sont unis. Eh oui, ces noces mystiques qui sont le salut de l’humanité sont sexuelles…Mais mon camarade Pneumatis l’explique bien mieux que moi.

Oui, mais et le concret ? Et la vie quotidienne, et la sexualité des personnes mariées et non mariées ? L’Eglise nous invite à vivre notre sexualité comme elle doit être, comme un don total de l’un envers l’autre, un don pour la vie, irrévocable. Le Christ s’est donné à nous pour toujours, il n’est pas allé postuler pour un CDD sur « Adopte un mec », il n’a pas refusé ce don ultime qu’est la croix… A notre tour de nous donner, c’est tout le sens du mariage et donc du sexe.

Bref : la sexualité n’est pas autre chose qu’un acte d’amour, un don réciproque, mutuel et non une performance physique, un sport, une pratique hygiénique ou le soulagement d’une envie… Or, dans le concret, cela est non seulement possible mais c’est l’idéal que chacun porte dans son intimité.

Qui a envie d’être aimé ? Nous tous. Sauf que nous sommes confrontés à nos blessures, nos pressions sociales, nos pulsions qui nous contrarient et parfois nous mènent vers de tristes directions… Nous avons donc besoin d’être aidé. Nous avons besoin d’être guidé. L’Eglise est là pour ça.

L’enseignement de l’Eglise est bon, même si je reconnais que le vocabulaire du magistère est parfois aride. Tout dans le magistère nous conduit à l’amour véritable. Jean-Paul II l’a très bien compris en concevant sa magnifique Théologie du corps. L’amour vrai est exigeant, c’est une pente raide mais cette pente nous mène au bonheur. C’est justement parce que ce n’est pas facile que nous avons besoin de pasteurs. Oui, de pasteurs, car c’est là, dans la pastorale que tout se joue. Les prêtres et ceux qui les aident nous apportent de précieuses lumières dans cette question essentielle. Ils sont là pour nous accompagner, nous aider, quand nous avançons et surtout quand nous tombons… oui quand nous tombons et nous tombons souvent, c’est notre lot à tous. L’Eglise est là pour nous relever et je ne pense pas qu’elle peine à s’adapter au concret. Le confessionnal est un lieu de miséricorde, d’écoute mais aussi d’aide, de soutien. Le prêtre ne nous juge pas, il nous comprend et nous propose des moyens concrets de vivre cet amour fou auquel nous sommes appelés. L’Eglise nous propose le meilleur et ses pasteurs sont là pour nous accompagner vers cet idéal. Les pasteurs sont décalés dit-on parfois ? J’en doute. Ils connaissent bien la vie à travers les confessions et les accompagnements au mariage. Sans juger les fiancés qui cohabitent où font l’amour avant, l’Eglise les accompagne, elle leur propose de suivre une voie qui peut consolider leur couple. Une période de continence, une réflexion sur la régulation naturelle des naissances etc.

Elle n’est guère en phase avec notre époque et notre société, c’est vrai… mais est-ce un tort ? Nous vivons dans une société « érotomane » où trop souvent le plaisir sexuel est confondu avec le bonheur et où la morale et la responsabilité résident dans l’usage du préservatif. « Sortez couvert » a remplacé « Aimez-vous les uns les autres », il suffit d’allumer sa télé pour s’en convaincre. La pornographie est aussi très présente, qui n’a jamais vu de film porno ? Personne… et le phénomène de dépendance au X est très répandu. DSK n’est pas le seul satyre, loin de là. Nous pourrions ajouter d’autres exemples : les sites de rencontre comme Adopte un mec, ou pire Gleeden, assument d’organiser des rencards pour des couples éphémères ou adultérins… du sexe sans amour où on couche pour soulager ses pulsions. Ne désirons-nous pas autre chose ? Oui, aimer, être aimé est l’aspiration la plus profonde de l’Homme. L’enseignement de l’Eglise n’est là que pour nous guider dans cette quête de l’amour vrai où le sexe est ce qu’il est, c’est-à-dire pleinement un don.

Eh oui, l’Eglise nous propose le meilleur, et le meilleur n’est pas facile tant nous sommes tentés par la voie de la facilité. Mais le jeu en vaut la chandelle, croyez-moi.

Le Cantique des cantiques mis en musique et interprété par Alain Bashung.

4 réflexions au sujet de « Sexe et Eglise : « Tes amours sont plus délicieuses que le vin » »

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  2. La traduction de la TOB est meilleure, pour le titre de ce billet: « tes caresses sont meilleures que le vin ». Elle parle de l’ivresse spirituelle du « vin nouveau » (la présence du Verbe vivant réjouissant les invités des noces de Cana par son vin nouveau) donnée par les consolations (parfois sensibles, donc) que le Divin peut donner lorsqu’Il visite une âme. Le troisième sens du Ct des ct est donc celui de l’union de l’âme avec son Créateur (pas seulement Dieu et l’Eglise), et il n’est pas seulement un sens symbolique tel qu’écrit dans ce billet. Il est une *réalité* (celle du « mariage mystique », ou de « l’union transformante » dont parle Thérèse d’Avila dans les 7èmes demeures). Le 4ème sens du Ct des ct étant son union à Marie.

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